Les représentations d’Oh les beaux jours de Samuel Beckett se suivent et se ressemblent forcément un peu, l’auteur ayant verrouillé sa pièce avec un luxe de didascalies qui précisent point par point, ligne après ligne, ce qu’il doit en être des silences, du décor, des costumes, des accessoires, des gestes et du ton des interprètes.
Depuis la création de ce monologue en 1963 par Madeleine Renaud, on sait donc que la comédienne qui incarne Winnie est enfermée dans un mamelon de terre où elle s’enfoncera de la taille jusqu’au cou. Qu’à ses côtés, sortant parfois de son terrier, se trouve Willie, compagnon quasi mutique et invisible dont la seule activité notable se limite à lire le journal en tournant le dos à ce qui se passe. Que Winnie extirpera de son sac une ombrelle, une lime à ongles, une brosse à dents, une voilette, des lunettes, un revolver. Et qu’elle monologuera jusqu’à ce que résonnent des sonneries actant la fin du jour. Ou la fin de la vie. Ou la fin du spectacle.
Alain Françon, qui revient pour la troisième fois vers l’œuvre de Beckett (il a monté en 2022 En attendant Godot et, en 2023, Premier amour) crée ce texte au Petit Saint-Martin à sa manière suggestive, qui, sans avoir l’air de toucher à rien, touche à l’essentiel. On se doute que les contraintes n’ont pas déplu à ce maître de la direction d’acteur. Car s’il subsiste une marge de liberté dans la mise en scène d’Oh les beaux jours, elle s’exerce uniquement dans le jeu des comédiens. Alexandre Ruby se glisse, avec l’abnégation requise, dans la peau de Willie. Un rôle fondamental dans le dispositif mis en place par Beckett.
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