Sur Telegram, les chaînes militaires russes n’ont pas tardé à réagir à l’arrestation de Pavel Durov. Parmi elles, une photo a vite circulé : celle d’un missile, agrémenté, sur l’un de ses flancs de « Pour Durov ». Obus et message en direction de… l’Ouest.
Les unes après les autres, les chaînes de discussion pro guerre, alimentées par de vrais-faux experts militaires et « correspondants de guerre », ont pris la défense du fondateur de Telegram, appelé à sa libération et mis en vente des tee-shirts « #FreeDurov ». « Nous vivons actuellement dans un monde où les idées de George Orwell ont complètement triomphé », regrette Boris Rojine sur Colonelcassad, l’une des chaînes militaires les plus populaires.
Au-delà des effets de propagande orchestrés sur cette vaste plateforme de « blogs » personnels, il y a une réalité : en deux ans et demi d’ « opération spéciale » du Kremlin en Ukraine, Telegram est devenu un puissant canal utilisé par les réseaux militaires russes, y compris sur le terrain. Incontrôlable a priori par les services de renseignement occidentaux mais aussi russes, Telegram est l’une des bases des communications militaires sur le front et d’échanges d’informations sur l’arrière-front.
L’an passé, Evgueni Prigojine, le chef de la milice Wagner, en avait fait son principal réseau de communication pour critiquer le haut commandement et appeler au soutien dans l’opinion publique. Pour les Russes – y compris parmi les soldats – en quête d’informations au-delà des messages officiels des télévisions du Kremlin, Telegram fait donc partie du quotidien. Or, depuis 24 heures, des consignes ont été passées dans l’état-major russe pour leur demander de cesser d’utiliser l’application. En parallèle, la propagandiste Margarita Simonyan a appelé les utilisateurs à supprimer tous leurs messages sensibles. D’où un début de vent de panique : si l’arrestation de Pavel Durov mène à l’interdiction, pour ses soldats, d’utiliser Telegram, comment faire pour continuer à échanger ?
« Principal moyen d’échange d’informations » dans l’armée russe
Pour les blogueurs militaires en tout genre, c’est une évidence : l’arrestation de Pavel Durov s’inscrit dans la guerre menée par l’Occident contre la Russie. « Telegram est actuellement la base de nos communications militaires. Désormais, tout est en péril », prévient Alexeï Soukonkine, l’un de ces « commentateurs » militaires, sur sa chaîne Telegram. D’autres, tel le blogueur Roman Alekhine, commencent à s’inquiéter des effets pratiques de cette arrestation : « Dès que Durov rendra les clés de Telegram, et ce n’est qu’une question de temps, et en l’absence [d’outils de communication efficaces], notre armée deviendra encore plus vulnérable », redoute Roman Alekhine. Rybar, la chaîne Telegram proche du ministère russe de la Défense, résume le problème : « La police française a arrêté le chef du principal moyen d’échange d’informations au sein des forces armées russes. Ils nous enlèvent notre seule communication plus ou moins normale ! »
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