Un conseil de défense présidé par Emmanuel Macron s’est penché mercredi 21 mai dans la matinée sur un rapport consacré aux Frères musulmans et à l’islamisme politique. A l’issue de ce conseil, le président a demandé au gouvernement de François Bayrou de formuler de « nouvelles propositions » au vu de la « gravité des faits » établis dans le document.
Ce rapport, dont l’Agence France-Presse a obtenu copie, fait état d’une « menace pour la cohésion nationale » avec le développement d’un islamisme « par le bas », au niveau des associations et des municipalités, émanant des Frères musulmans.
« Compte tenu de l’importance du sujet et de la gravité des faits établis, il [Emmanuel Macron] a demandé au gouvernement de formuler de nouvelles propositions qui seront examinées lors d’un prochain Conseil de défense au début du mois de juin », a communiqué l’Elysée, ajoutant que le chef de l’Etat avait décidé de rendre public le rapport « d’ici la fin de la semaine ».
« Ce rapport est alarmant » et il « indique qu’il y a deux menaces » contre « les régimes républicains de nos institutions » et « la cohésion nationale », a affirmé de son côté au Sénat mercredi, le ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau. « Il faut bien entendu prendre ce problème à bras le corps », a prévenu le nouveau président des Républicains lors des questions au gouvernement.
« Ce qui devra être proposé dans les mois à venir, dans les semaines à venir, c’est une meilleure organisation de l’Etat, avec un vrai chef de file en matière de renseignement et un parquet administratif au ministère de l’Intérieur pour diligenter des dissolutions et des entraves administratives », a encore ajouté le ministre de l’intérieur.
Agir contre les circuits financiers est « capital » mais en la matière « on a des trous dans la raquette », a affirmé M. Retailleau qui a également évoqué « une stratégie de sensibilisation du grand public » tout en estimant qu’« il faudra former les fonctionnaires » et « les élus locaux ».
« Amalgames entre islam, islamisme politique et radicalité »
L’association Musulmans de France, présentée dans le rapport comme « la branche nationale des Frères musulmans en France », a dénoncé mercredi dans un communiqué des « accusations infondées ». « Cette lecture idéologique ne reflète ni notre réalité institutionnelle ni notre action de terrain », ajoute la fédération, qui a succédé en 2017 à l’Union des organisations islamiques de France (UOIF), et qui réaffirme « son attachement aux valeurs de la République ». « Les amalgames, même involontaires, entre islam, islamisme politique et radicalité sont non seulement dangereux, mais contre-productifs pour la République elle-même », souligne aussi le communiqué.
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Le Conseil français du culte musulman (CFCM), ex-instance de représentation de l’islam tombée en disgrâce en 2021, a, lui aussi, exprimé sa « profonde inquiétude face aux possibles dérives et instrumentalisations des données rendues publiques ». « La lutte contre l’extrémisme se réclamant de l’islam (…) est au cœur de nos priorités », pointe le CFCM dans un communiqué. Mais « l’absence de définitions claires des concepts » utilisés dans le rapport « entretient une confusion préjudiciable » et « de nombreux citoyens musulmans ont aujourd’hui le sentiment de ne plus être à l’abri d’une suspicion permanente ».
Sensibiliser, notamment à l’approche des élections municipales
Les travaux du conseil de défense se veulent en droite ligne du discours des Mureaux sur le « séparatisme » prononcé par Emmanuel Macron en 2020, qui a débouché sur la loi sur les principes et valeurs de la République de 2021.
« L’une des vocations de ce rapport est de pouvoir sensibiliser l’Etat sur cette problématique », mais aussi « de faire connaître au grand public, aux élus locaux, la menace et comment elle procède », notamment à l’approche des élections municipales de 2026, souligne l’Elysée. « L’entrisme, c’est du temps long, c’est dissimulé, et c’est un discours qui est très policé de façon officielle », résume la source, en s’inquiétant aussi de « dynamiques caritatives sur le terrain ».
Pour autant, « nous sommes tous parfaitement en ligne sur le fait de dire qu’il ne faut pas faire d’amalgame » avec les musulmans car « nous luttons contre l’islamisme et ses dérives radicales », met également en avant l’Elysée.
Le conseil se penchera aussi sur la question des réseaux sociaux qui « constituent un vecteur pour les islamistes qui surfent sur des éléments d’actualité et remettent en cause ce que la République défend en matière de laïcité, notamment pour essayer de démontrer que l’Etat est islamophobe et pour retourner contre nous nos propres valeurs ».