Voilà plusieurs minutes que les élèves de cette classe de CM2 du Plessis-Trévise (Val-de-Marne), répartis en plusieurs équipes, se creusent la tête. Quelle est la bonne définition du mot « musulman » ? Une équipe en a préparé trois, dans le cadre d’un jeu sur la laïcité baptisé « L’Arbre à défis ». Deux sont fausses, et l’équipe qui trouve a gagné. La première option, « un musulman est une personne qui ne mange pas de porc », est rapidement évacuée, comme la tout aussi farfelue « un juif est une personne qui fréquente une école juive » l’avait été dans la manche précédente, où il fallait définir « juif ».
La maîtresse avait prévenu, « il y a des pièges ». Un musulman est-il « une personne qui croit en un dieu unique qui s’appelle Allah », ou « une personne qui a pour religion l’islam » ? Assez vite, les équipes tombent d’accord. Même si la deuxième définition leur paraît juste, la troisième est plus précise. En outre, « Allah » veut simplement dire « Dieu » en arabe, donc un chrétien qui parle arabe emploiera le mot, avance Noam (les prénoms de tous les élèves ont été changés). « C’était ça, le piège », précise Yasmine à notre intention.
Les élèves de la classe de Nathalie, enseignante de CM2 à l’école Marbeau qui ne souhaite pas donner son nom, ont commencé L’Arbre à défis il y a quelques semaines. Le premier atelier de ce jeu, imaginé par l’association Enquête en 2014 et sur lequel plusieurs centaines d’enseignants ont déjà été formés, s’appelle « Savoir et croire ». « Il faut mener cette première séance correctement pour que les élèves comprennent qu’on ne rejette pas les croyances, insiste Nathalie en aparté. Il n’y a pas d’un côté le vrai et de l’autre le faux. Simplement des choses que l’on sait, et d’autres qu’on ne peut pas prouver, auxquelles on choisit ou non d’adhérer. »
Cette articulation entre le savoir et la croyance forme la base du jeu, sur laquelle les élèves construisent leur compréhension de la laïcité et leurs connaissances sur les religions, enrichies à chaque définition. « L’Arbre à défis nous a intéressés parce qu’il va plus loin que d’autres outils de transmission du principe de laïcité », détaille Marie-Anne Valfort, économiste à la direction de l’emploi de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), qui a mené une étude d’impact sur les effets de ce jeu dans 44 écoles d’Ile-de-France. L’économiste s’est intéressée à l’Arbre à défis en tant qu’outil de prévention des discriminations. « La séance “Savoir et croire” permet aux enfants de comprendre pourquoi la laïcité est bénéfique, et ils sont ensuite plus enclins à la défendre », ajoute-t-elle.
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