Dites « Amazonie » et surgiront des images de forêt impénétrable, nature à peine égratignée, avant l’arrivée des Européens, par de maigres groupes humains perdus dans l’immensité verte. Les préjugés ont la vie dure. Il y a un siècle, l’anthropologue suédois Erland Nordenskiöld prédisait que l’archéologie finirait par prouver que les Llanos de Mojos, des plaines situées dans la région bolivienne du bassin amazonien, avaient un jour été densément peuplées. Il avait vu juste.
En témoigne un ouvrage collectif, Archéologie de l’Amazonie, qui propose un vaste tour d’horizon de traces, parfois discrètes, laissées par treize millénaires d’occupation humaine sur un territoire plus vaste que celui de l’Union européenne, couvrant pas loin de la moitié de l’Amérique du Sud et s’étendant sur neuf pays.
Il en ressort tout d’abord que la forêt vierge est un mythe. « Il faut imaginer une Amazonie précolombienne traversée de chemins permanents, de canaux et de fossés entrecroisés, de chemins surélevés connectant tertres d’habitats et monticules agricoles, de digues contenant bassins et réservoirs, de champs surélevés de toutes formes, dimensions et agencements possibles », écrit Stéphen Rostain (CNRS) qui a codirigé l’ouvrage avec Carla Jaimes Betancourt (université de Bonn, Allemagne). Le chasseur-cueilleur de l’image d’Epinal s’efface devant des « peuples creuseurs » qui se sont ingéniés à tirer profit des cycles hydriques et des ressources locales.
Riche iconographie
Ils étaient aussi horticulteurs et agroforestiers, façonnant la forêt elle-même, en privilégiant certaines essences de plantes nourricières ou médicinales et certains arbres fruitiers, cultivant en parallèle des variétés domestiquées, certaines se retrouvant très loin de leur région d’origine. D’autres manifestations de la longue présence humaine doivent leur révélation à la révolution du lidar. Couplant laser et radar, il permet, après avoir survolé le terrain, de le décaper virtuellement de son couvert végétal.
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