Doctorant en droit européen à l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne et à l’Université libre de Berlin, Arne Wegner a aussi travaillé pendant quatre ans en tant qu’assistant pour deux députés de la CDU au Bundestag allemand et en tant que conseiller juridique à la Commission européenne.
Dans un article publié sur le site de blog allemand « Verfassungsblog » (« blog constitutionnel »), vous essayez d’expliquer la situation inédite dans laquelle se trouve la France après les élections. Comprend-on, outre-Rhin, pourquoi les responsables politiques français ont tant de mal à s’entendre ?
Ce qui se passe actuellement dans la politique française paraît un peu étrange pour un regard allemand. On s’est d’abord demandé pourquoi Emmanuel Macron avait dissous l’Assemblée nationale le soir des élections européennes, si peu de temps avant les Jeux olympiques, alors que le score de son parti n’était pas si mauvais – en tout cas, moins désastreux que celui du gouvernement allemand. La France se retrouve aujourd’hui avec trois blocs qui ont obtenu à peu près le même score, mais aucun n’a de majorité absolue. Pour moi, cela veut dire que les Français ont voté pour une cohabitation, c’est-à-dire pour un autre gouvernement. Ils veulent une alliance de centre-gauche, une alliance entre le Nouveau Front populaire (NFP) et le bloc central. Il y a donc une nécessité de chercher une majorité et de former une coalition.
Et comment concrètement bâtir une nouvelle coalition qui tienne ?
A cause des différences de systèmes de scrutin, la logique de la coalition en France est à l’opposé de celle de l’Allemagne. Ici, on forme des coalitions avant des élections pour pouvoir être présent au second tour afin d’obtenir la majorité absolue. Chez nous, les partis se présentent dans le cadre d’un scrutin proportionnel. Normalement, le leader du parti qui a obtenu le meilleur résultat doit prendre en main la recherche d’une majorité en formant une coalition. En France, le président nomme d’abord le premier ministre et ce n’est qu’ensuite que les partis doivent parvenir à des accords comparables à des négociations de coalition.
M. Macron a rejeté la possibilité d’un gouvernement NFP avec son programme actuel, au prétexte qu’il serait censuré immédiatement. Je comprends son raisonnement car c’est, selon l’article 5 de la Constitution, sa responsabilité d’assurer la stabilité de l’Etat. Ce n’est pas nécessairement le parti avec le meilleur score qui est considéré comme le vainqueur des législatives, mais celui qui arrive à convaincre son adversaire, à le séduire, afin de former une coalition stable. Une telle situation s’est passée plusieurs fois en Allemagne, par exemple lors d’une coalition entre le Parti social-démocrate et le Parti libéral en 1976 alors que la CDU dirigée par Helmut Kohl l’avait emporté avec plus de 48 % des voix.
Il vous reste 50.61% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.