A l’image des Trois Mousquetaires, elles étaient quatre. Après le témoignage des présidentes de Harvard, du MIT (toutes les deux au Massachusetts) et de Pennsylvanie (Penn), ce fut au tour de celle de l’université Columbia (Etat de New York), Nemat Talaat Shafik, de répondre, le 17 avril, à la commission du Congrès sur les allégations de propos antisémites tenus sur les campus en marge des manifestations contre la guerre à Gaza. Quatre femmes, toutes nommées dans la foulée des mouvements Metoo et Black Lives Matter, favorables aux démocrates et entrées en fonctions seulement en 2023.
Mme Shafik, dite « Minouche » Shafik, a tenté d’éviter les foudres des républicains du Congrès, mais a provoqué la révolte sur son campus des élèves et du corps professoral. Comme les patronnes de Harvard et Penn, démissionnaires, elle va sortir « broyée » de l’épreuve. A 61 ans, cette économiste à la triple nationalité égyptienne, américaine et britannique a un parcours original : née en 1961 à Alexandrie au sein d’une famille dépossédée par Nasser, elle a étudié aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, notamment à Oxford.
Mme Shafik n’est pas qu’une académique, puisqu’elle a longtemps travaillé pour la Banque mondiale avant de diriger le département d’aide humanitaire et au développement du gouvernement britannique. Après un passage dans les équipes dirigeantes du Fonds monétaire international, elle est devenue, en 2014, vice-présidente de la Banque d’Angleterre, qu’elle a quitté prématurément pour devenir présidente de la London School of Economics. Elevée au rang de baronne par la reine Elizabeth II, elle devient, en 2020, membre à vie de la Chambre des lords.
Audition catastrophique
A Washington, son audition devant le Congrès déclenche la catastrophe : la présidente ne défend pas la liberté académique, laisse entendre que le campus est un foyer d’antisémitisme et évoque des sanctions individuelles prises contre des étudiants. De retour à New York, elle alimente une surenchère, avec un campus bouclé, la police de New York appelée à intervenir à deux reprises en une semaine, des ultimatums bafoués par les étudiants, et une présidente fantôme. Mme Shafik n’a donné aucune conférence de presse alors que les politiques, de droite comme de gauche, du speaker républicain de la Chambre des représentants, Mike Johnson, aux égéries de la gauche, les représentantes Alexandria Ocasio Cortez et Ilhan Omar, paradent sur son campus comme s’il s’agissait d’une estrade électorale.
Mme Shafik semble cernée, par les républicains, qui demandent sa démission, et par le corps professoral, qui se dit « humilié » par ses lâchages. La lecture de son CV affiché sur le site de Columbia a un goût d’amertume : « Tout au long de sa carrière, Mme Shafik a été au centre des efforts pour relever certains des défis les plus complexes et les plus perturbateurs du monde. »