Au Brésil, les ânes étaient autrefois considérés comme les « frères » de la population du nord-est du pays, d’après les paroles de Apologia Ao Jumento (« excuses à l’âne »), une chanson écrite en 1968 par l’artiste populaire de la région, Luiz Gonzaga, en leur hommage. Ces animaux dociles et résilients, arrivés dans le pays dans les bateaux des colons portugais au XVIe siècle, ont longtemps été indispensables aux paysans, tant pour porter des charges que pour labourer la terre. Selon l’ONG internationale The Donkey Sanctuary (« le sanctuaire des ânes »), au fil du temps, les ânes du Nordeste sont devenus une espèce à part : les animaux se sont en effet progressivement adaptés au climat semi-aride de la région, devenant plus petits pour économiser de l’énergie.
Mais, à la fin du XXe siècle, ils ont progressivement été livrés à l’abandon, remplacés par des motos et des machines. De sorte qu’aujourd’hui, peu de personnes s’inquiètent de leur disparition. En 2016, le Brésil a ainsi autorisé l’abattage des ânes pour exporter leur peau en Chine, où celle-ci est très prisée pour fabriquer un remède traditionnel appelé ejiao, à base de collagène, qui soignerait l’anémie, la toux, l’insomnie ou encore l’infertilité.
Selon les données du ministère de l’agriculture et de l’élevage, depuis 2018, environ 38 600 ânes ont été abattus en moyenne chaque année au Brésil, entraînant une réduction de la population de 60 % entre 2018 et 2023. « Si l’abattage des ânes se poursuit au rythme actuel, cet animal irremplaçable pourrait être perdu à jamais », alertait The Donkey Sanctuary, dans un communiqué, le 14 novembre, quelques jours avant le G20 à Rio de Janeiro, qui s’est tenu du 18 au 19 novembre.
« L’exploitation des ânes n’est pas durable », explique Patricia Tatemoto, biologiste et membre de The Donkey Sanctuary. Elle souligne qu’au Brésil, « il n’existe pas d’élevage d’ânes », car ces derniers mettent environ trois ans à atteindre l’âge adulte auquel ils peuvent être abattus, ce qui rend cette activité non rentable. En conséquence, l’espèce est abattue sans être reproduite, accélérant son déclin démographique.
Nombreux cas de maltraitance
La disparition des ânes pourrait avoir des conséquences écologiques. « Ils se nourrissent de plantes envahissantes et creusent des trous dans le sol pour trouver de l’eau, qu’ils font remonter à la surface », explique Patricia Tatemoto. Ce qui, dans une région semi-aride comme le Nordeste, permet « de rendre l’eau disponible au profit de la faune et de la flore locales », ajoute-t-elle.
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