« Réinitialiser le Ghana. » Telle est la promesse de John Dramani Mahama s’il revenait au pouvoir à l’issue de l’élection présidentielle, samedi 7 décembre. Mais derrière les slogans de campagne, c’est bien la bataille de l’emploi qui mobilise l’ancien chef de l’Etat (2012-2017), aujourd’hui candidat de l’opposition.
Le taux de chômage est la première préoccupation des Ghanéens, devant le développement d’infrastructures, la santé ou l’éducation, selon le dernier rapport d’Afrobarometer. Depuis le dernier trimestre 2022 et le début de la crise économique, le nombre de citoyens sans emploi est passé de 11,2 % de la population à 14,7 % à la fin de 2023. Une hausse encore plus marquée chez les 18-24 ans : près d’un tiers d’entre eux sont aujourd’hui au chômage, après une augmentation de près de dix points en moins d’un an.
Cette problématique est en tête des programmes politiques des deux principaux candidats à la succession de Nana Akufo-Addo : John Dramani Mahama, donc, pour le Congrès démocratique national (NDC), et l’actuel vice-président Mahamudu Bawumia pour le Nouveau Parti patriotique (NPP).
Le candidat du parti au pouvoir doit séduire ses compatriotes malgré un lourd héritage politique : selon Afrobarometer, 80 % des Ghanéens estiment que le gouvernement sortant, dont Mahamudu Bawumia a fait partie ces huit dernières années, a échoué dans sa gestion de l’économie.
Piètre bilan
En défaut de paiement de sa dette depuis 2022, le Ghana n’est pas encore sorti de l’une des pires crises de son histoire. Les indicateurs économiques, à l’image du produit intérieur brut (PIB) qui a crû de 6,9 % pour le deuxième trimestre 2024, soit la plus forte croissance en cinq ans, semblent indiquer que le pays se dirige vers une embellie. Mais « cette amélioration ne se reflète pas encore dans la vie quotidienne », nuance Lord Mensah, économiste à l’Université du Ghana. « Lorsqu’un pays connaît un pic d’inflation à plus de 54 % [en décembre 2022], les effets se font encore sentir longtemps après », ajoute-t-il.
Une fragilité rappelée par la dépréciation du cedi, la monnaie nationale, qui a perdu le quart de sa valeur depuis janvier et peine encore à se stabiliser face au dollar. Le nombre de Ghanéens vivant sous le seuil de pauvreté – quelque 30 % de la population en 2023 – devrait quant à lui continuer d’augmenter jusqu’en 2025, d’après les estimations de la Banque mondiale.
Ce piètre bilan pourrait avoir de lourdes conséquences électorales pour le parti au pouvoir. A l’approche du scrutin, sa base s’est délitée jusque dans ses bastions traditionnels. « On observe, par exemple, une baisse d’intention des votes pour le NPP dans la région Ashanti et la région orientale », explique Mussa Dankwah, analyste à l’institut de sondage ghanéen Global Info Analytics. Selon leur sondage publié en octobre, 17 % des citoyens qui ont annoncé ne pas vouloir voter en 2024 s’identifient comme des électeurs traditionnels du NPP, un chiffre qui tombe à 3 % pour les soutiens du NDC.
L’érosion des soutiens du parti au pouvoir s’explique également, selon plusieurs politologues, par les scandales de corruption qui ont émaillé les huit années de présidence Nana Akufo-Addo et le sentiment d’impunité qui les accompagne. En premier lieu, « la vente à des proches du parti de beaucoup de terres appartenant à l’Etat », relève Jonathan Asante, spécialiste en sciences politiques à l’université de Cape Coast.
Méfiance généralisée envers la classe politique
Des affaires dont le candidat de l’opposition fait son miel, annonçant notamment une « loi visant à interdire aux personnes nommées pour des raisons politiques, aux personnes politiquement exposées et à tous les fonctionnaires en exercice d’acheter des biens de l’Etat ». Lors de ses quatre années à la présidence, le Ghana avait reçu une note moyenne de 45,2 sur 100, selon l’indice de perception de la corruption de Transparency International – 100 étant le plus haut niveau de confiance.
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Ajoutée à la crise énergétique qu’a connue le Ghana sous l’administration du NDC, cette situation génère « un sentiment de méfiance généralisé envers la classe politique », analyse Kobby Mensah, politologue à la Ghana Business School. La défiance s’est même étendue à la Commission électorale : la part des citoyens disant avoir confiance en cette instance est passée de 59 % en 2012 à 33 % en 2022.
« Depuis 2018, la Commission électorale a pris une série de décisions qui ont sérieusement entamé sa crédibilité », explique Bright Simons, vice-président du groupe de réflexion Imani, signalant, par exemple, la création d’un nouveau registre d’électeurs « alors que toutes les preuves allaient à l’encontre de leurs affirmations ».
Le NDC n’a pas hésité à jouer de cette crise de confiance lors de la campagne, allant même jusqu’à organiser des manifestations pour accuser la Commission électorale de vouloir truquer le prochain scrutin en manipulant le fichier électoral. Face aux accusations de tentatives de fraude que s’adressent mutuellement les deux principaux partis, de nombreuses organisations de la société civile et les Nations unies ont multiplié les appels à la tenue d’élections pacifiques. Avec, en mémoire, le drame du scrutin de 2020, lors duquel huit personnes avaient été tuées lors de violences électorales.