Le premier président progressiste du Guatemala depuis soixante-dix ans sera-t-il destitué quelques mois à peine après son arrivée au pouvoir ? Le 20 août, pour la troisième fois depuis sa prise de fonctions le 14 janvier, le ministère public a demandé à la Cour suprême de lever l’immunité de Bernardo Arévalo.
Le parquet, qui se fonde sur l’enregistrement d’une conversation entre le président et la ministre des infrastructures, accuse M. Arévalo, 66 ans, d’avoir donné un ordre « illégal » de payer « de manière arbitraire » des entreprises de travaux publics prétendument impliquées dans des affaires de corruption. Le 5 août, le président avait reconnu l’authenticité de l’enregistrement, mais avait expliqué que, faute de pouvoir payer toutes les entreprises en même temps – pour des contrats remontant à plusieurs années en arrière et pour lesquels l’Etat est endetté –, il avait ordonné de payer d’abord les travaux publics finalisés et dont les contrats ne comportaient, justement, aucun indice de corruption.
« Nous avons pu établir que le président (…) est le principal promoteur de la corruption et de l’impunité au Guatemala », a pourtant assuré le chef du parquet spécial contre l’impunité (FECI), Rafael Curruchiche, lors d’une conférence de presse le 20 août.
Guerre sans merci
Mais selon de nombreuses sources guatémaltèques et internationales, l’accusation contre Bernardo Arévalo est un motif fallacieux qui s’inscrit dans la guerre sans merci que lui livre la cheffe du parquet, Consuelo Porras. Pour le prédécesseur de M. Curruchiche à la tête du FECI, Juan Francisco Sandoval, il s’agit « d’un montage non seulement pour entacher sa réputation, mais aussi pour essayer à nouveau de le destituer ».
Aux yeux de l’Union européenne (UE) et des Etats-Unis, M. Curruchiche et Mme Porras, et non le président, sont des acteurs « corrompus ». Tous deux sont sous le coup de sanctions européennes et américaines pour leurs actions « qui sapent la démocratie et l’Etat de droit ». La procédure du ministère public « s’inscrit dans un ensemble plus large et plus inquiétant de plaintes et d’enquêtes motivées politiquement contre le gouvernement actuel », a déclaré Peter Stano, porte-parole principal pour les affaires étrangères de l’UE, dans un communiqué publié le 22 août, s’inquiétant de « l’utilisation abusive et de l’instrumentalisation du système judiciaire ».
Le parquet est aux mains de ce que, au Guatemala, on appelle le « pacte des corrompus », une alliance informelle de politiciens, d’oligarques et d’entrepreneurs en lien avec le crime organisé. Alors que, entre 2007 et 2019, la Commission internationale contre l’impunité au Guatemala (Cicig), mise en place par les Nations unies, avait réussi à démanteler 70 structures criminelles, les élites économiques et politiques ont obtenu, ces six dernières années, une série de victoires leur permettant de revenir sur les avancées de la Cicig.
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