Silhouettes encapuchonnées, assassinats par lames escamotables, courses périlleuses sur les toits : tout, dans la série Assassin’s Creed, a toujours crié « ninja ! ». Au début de ce nouvel opus, dans la peau de la jeune Naoe qui escalade de hautes murailles et se fond parmi les ombres pour égorger des samouraïs, on se fait donc vite la réflexion réjouissante qu’Assassin’s Creed est enfin à la maison.
Les joueurs aussi se sentiront comme chez eux, car l’aventure (disponible sur Xbox Series, Playstation 5 et PC le 20 mars) suit scrupuleusement la recette des récents Assassin’s Creed Origins, Odyssey et Valhalla, plus ouverts, plus variés, troquant l’infiltration pour l’action, l’escalade pour l’exploration.
Mais l’adhérence à cette recette est telle que Naoe en souffre. Sur le papier, l’adolescente, lancée dans une quête de vengeance qui l’entraîne dans plusieurs provinces du centre du Japon – on visite notamment le Kyoto et l’Osaka de l’an 1579 –, est une ninja accomplie.
En pratique, Naoe n’échappe pas à la maladresse propre à tous les héros et héroïnes d’Assassin’s Creed depuis les débuts de la série. Elle se suspend au cadre des portes au lieu de les ouvrir, assassine la mauvaise cible si elle se tient à côté de quelqu’un d’autre ou se suicide en se précipitant dans le vide au lieu de descendre normalement d’un toit. Des bourdes parfois comiques mais qui ne correspondent pas à l’idée qu’on se fait d’un simulateur de ninja.
D’autant que Naoe n’a qu’une seule carte à jouer : l’élimination instantanée d’un ennemi sur simple pression d’un bouton. Si l’adversaire y résiste, ou si des acolytes rôdent, elle est condamnée à se battre laborieusement avec un couteau à beurre géant ou à s’enfuir grâce à son grappin. Vite repérée par les gardes, vite dépassée par les alarmes, Naoe assassine surtout une chose : le fantasme d’une infiltration réussie.
Force tranquille
Par bonheur, la partie s’illumine lorsque entre en scène Yasuke, samouraï noir inspiré d’une figure historique bien réelle. C’est la grande nouveauté de Shadows : nous permettre de diriger, selon l’envie du moment (par le truchement d’un tour dans les menus suivi d’un bref temps de chargement), une espionne faite pour l’infiltration ou un colosse doué pour la baston. Une idée bienvenue même si, à l’usage, on se rend rapidement compte que le monde ouvert d’Assassin’s Creed Shadows est taillé pour un guerrier.

En effet, le Japon d’Assassin’s Creed Shadows n’est pas une suite d’ombres et de coupe-gorge : c’est un univers complet, lumineux, fait de rizières, de villages, de monastères, de forêts et de ports encombrés de bateaux. Pas le plus éblouissant des décors de jeux vidéo, mais l’un des plus dépaysants et des plus minutieusement reconstitués, avec ses sentiers de montagne, ses rues animées et ses intérieurs détaillés.
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Ce Japon en miniature est truffé de camps de troupes hostiles, de bandits de grand chemin et de batailles rangées, beaucoup plus adaptées à Yasuke qu’à Naoe. Coups spéciaux, parades, esquives, éventail d’attaques à choisir dans le feu de l’action : combattre avec Yasuke exige quelques réflexes mais s’avère gratifiant, la réussite étant récompensée par des enchaînements dévastateurs et des exécutions spectaculaires. Selon la situation et les envies, on passe du sabre à la naginata (sorte de sabre à long manche) ou à un énorme gourdin (kanabo), en décochant une flèche ou un tir d’arquebuse lorsque les ennemis restent à distance. Un arsenal et un soupçon de technicité qui rappellent agréablement For Honor, jeu de duels du même éditeur.
On s’agace tout de même des travers habituels des mondes ouverts d’Ubisoft, qui joue pourtant ici son va-tout : l’avalanche d’indicateurs et de notifications, la surcouche de menus, les jauges de niveaux. Niveaux d’ennemis, niveaux d’équipement, niveaux de régions, niveaux de l’arbre de compétences (!), sans oublier les 56 toiles de chanvre et 33 fils de soie que nous réserve chacun des minuscules coffrets du jeu : Assassin’s Creed Shadows raffole des nombres, au point d’abîmer l’immersion du joueur.

Pourtant, celle-ci remonte souvent à un niveau acceptable, fortifiée par une myriade de dialogues. S’ils peuvent être longuets, ils sont si merveilleusement doublés et leur écriture est si méritante qu’on se prend, à la longue, à s’attacher à la bonté primesautière de Yasuke.
Forcément, l’immersion en dents de scie, les héros ratés ou bluffants, l’infiltration guère à la hauteur et les combats au-delà des espérances donnent un jeu inégal, qui a plus de qualités que de défauts mais où le bon et le médiocre se côtoient. Que dit ce vieux poncif éculé sur l’archipel nippon, déjà ? Ah oui : que le Japon est une « terre de contrastes ».
L’avis de Pixels en bref
On a aimé :
- flâner dans la campagne japonaise ;
- incarner Yasuke pour des bagarres jubilatoires.
On a moins aimé :
- le volet infiltration du jeu ;
- l’omniprésence des chiffres et des niveaux.
C’est plutôt pour vous si :
- vous avez de bons souvenirs de la trilogie Origins, Odyssey et Valhalla.
Ce n’est plutôt pas pour vous si :
- les jeux bavards vous effraient.
La note de Pixels :
Jeu vidéo niveau 29 (zone de niveau 43).