Au lendemain d’une nuit de violences ayant fait trois morts, le collectif de jeunes Marocains GenZ 212 (comme l’indicatif téléphonique du Maroc), apparu récemment, a appelé vendredi 3 octobre à la démission du gouvernement. Pour la sixième soirée d’affilée, les jeunes Marocains ont manifesté, jeudi soir, pour de meilleurs services de santé et d’éducation.
« Nous demandons la dissolution du gouvernement actuel pour son échec à protéger les droits constitutionnels des Marocains et à répondre à leurs revendications sociales », a déclaré le collectif aux fondateurs inconnus, fort de 150 000 membres sur sa page Discord, dans un communiqué adressé au roi du Maroc, Mohammed VI.
Ces manifestations sociales, inédites par leur spontanéité, font suite à des protestations nées à la mi-septembre dans plusieurs villes après la mort à l’hôpital public d’Agadir (sud) de huit femmes enceintes admises pour césariennes.
« Le peuple veut la santé et l’éducation », ont scandé jeudi des dizaines de manifestants brandissant des drapeaux marocains dans le quartier commerçant d’Agdal, au centre de Rabat, la capitale marocaine, où la mobilisation s’est terminée dans le calme, d’après un journaliste de l’Agence France-Presse (AFP).
D’autres rassemblements pacifiques ont eu lieu dans la capitale économique Casablanca (ouest), Marrakech (centre-ouest) et Agadir, selon la presse locale.
Trois morts dans la nuit de mercredi à jeudi
Avant cette nouvelle soirée mobilisation, le collectif a souligné « rejeter toute forme de violence, de vandalisme ou d’émeute » et exhorté les manifestants « à respecter le caractère pacifique » du mouvement. Dans la nuit de mercredi à jeudi, après les manifestations, des violences avaient éclaté dans plusieurs villes du royaume.
Trois personnes ont été tuées par des gendarmes « en légitime défense », a affirmé Rachid El Khalfi, porte-parole du ministère de l’Intérieur, alors qu’elles tentaient « de prendre d’assaut » une brigade de gendarmerie dans le sud du pays.
Selon les autorités locales, qui avaient parlé dans un premier temps de deux morts, le groupe a tenté d’entrer dans le bâtiment « pour voler des munitions et armes de service » dans le village de Lqliaâ, près d’Agadir.
Le collectif GenZ 212 se décrit comme un « espace de discussion » sur des questions « comme la santé, l’éducation et la lutte contre la corruption ». Il affirme agir par « amour de la patrie et du roi » Mohammed VI. Le premier ministre a exprimé la volonté du gouvernement de « répondre aux revendications sociales » des jeunes et « sa disposition à dialoguer ».
Dans ses rassemblements, GenZ 212 scande des slogans tels que « Nous ne voulons pas la Coupe du monde, la santé est prioritaire » ou « le peuple veut la santé et l’éducation », dans un pays marqué par de fortes inégalités territoriales et entre les systèmes public et privé. Le royaume, qui coorganisera la Coupe du monde 2030 avec l’Espagne et le Portugal, a engagé de vastes chantiers d’infrastructures : construction de nouveaux stades, extension du réseau à grande vitesse et modernisation de plusieurs aéroports.
Heurts avec les forces de l’ordre
Pour la première fois, les autorités avaient autorisé, mercredi, les manifestations à l’appel du collectif. Elles ont rassemblé des centaines de jeunes dans la capitale économique Casablanca et les grandes villes de Tanger et Tétouan, derrière des slogans comme « Le peuple veut la fin de la corruption » ou « Liberté, dignité et justice sociale ».
Mais outre les violences près d’Agadir, des actes de vandalisme ont secoué plusieurs villes mercredi. A Salé, ville jumelle de Rabat, des individus cagoulés ont mis le feu à deux voitures de police et à une agence bancaire.

Les violences de mercredi soir, auxquelles ont participé un grand nombre de mineurs, ont fait plus 350 blessés, en majorité parmi les forces de l’ordre, et engendré des dégâts matériels « importants » sur 271 véhicules des autorités et 175 voitures de particuliers, selon le ministère de l’Intérieur. Près de 80 établissements administratifs, sanitaires, sécuritaires, bancaires et commerciaux ont aussi été vandalisés.
Mardi, des manifestations interdites par les autorités avaient donné lieu à de premiers heurts avec les forces de l’ordre notamment à Oujda et Inzegane, faisant près de 300 blessés, particulièrement au sein des forces de l’ordre et débouchant sur plus de 400 interpellations.