Depuis quelques années, une nouvelle génération de cinéastes émerge au Maroc. En 2023, leur présence remarquée au Festival de Cannes a constitué un fait historique. Dans la section Un certain regard, le documentaire d’Asmae El Moudir La Mère de tous les mensonges a remporté le prix de la mise en scène, et Les Meutes, de Kamal Lazraq, le prix du jury. Déserts, de Faouzi Bensaïdi, a séduit les spectateurs de la Quinzaine des cinéastes. Ces films ont pour point commun d’avoir démarré leur carrière aux Ateliers de l’Atlas, un programme d’accompagnement artistique et stratégique de cinéastes marocains, arabes et africains, qui offre à ces derniers la possibilité d’échanger avec des talents régionaux et des professionnels internationaux, dans le cadre du Festival international du film de Marrakech.
« Lorsque les Ateliers de l’Atlas ont été créés, en 2018, il manquait une plateforme de rencontre qui permette aussi aux producteurs, distributeurs et programmateurs du monde entier de se plonger dans ce qui se passe dans la région, d’affûter leur regard pour pouvoir juger ces films avec exigence et pas seulement pour le pays qu’ils représentent, explique Rémi Bonhomme, directeur artistique du Festival de Marrakech, à l’initiative du dispositif. Les cinéastes doivent pouvoir s’exprimer à travers leurs œuvres sans être obligés de rajouter un carton pour expliquer les spécificités socio-économiques de leur pays. »
Fort de leur succès, les Ateliers de l’Atlas ont mis en place, cette année, l’incubateur Atlas Station dont la mission est d’aider dix jeunes professionnels marocains, sélectionnés en fonction de leurs profils (pas sur un projet en particulier) à naviguer à l’international, sur les plans à la fois artistique et financier. « C’est important car le pays manque de producteurs créatifs », note Hédi Zardi, responsable du programme. De fait, il existe depuis une dizaine d’années une forte culture de la production exécutive (destinée à assurer la réalisation matérielle des projets) au Maroc, un pays qui a l’habitude d’accueillir de nombreux tournages de films américains dans les studios de Ouarzazate. Mais la production de développement artistique n’existe pas.
« Une affaire de rencontres »
« Je produis les films de mon mari, et lui produit les miens, mais, aujourd’hui, on veut s’ouvrir, confie Khaoula Assebab Benomar, cinéaste et militante pour les droits des femmes, fille d’un pionnier de la fiction télévisée marocaine. Le fonds d’aide du CCM [Centre cinématographique marocain] nous donne une certaine autonomie mais nous rend un peu paresseux… Le public est fragile, et il faut pouvoir donner toutes ses chances aux films. Les modules des Ateliers de l’Atlas nous permettent de peaufiner notre stratégie, de comprendre les échecs et les succès, et surtout de ne pas rester dans notre coin. Ici, c’est comme si on était à l’école. »
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