Ce sont deux images en miroir et, derrière elles, deux récits qui se croisent pour composer le clair-obscur royal où se réfléchit le Maroc du moment. La première scène se déroule le 7 juin, lors de la prière de l’Aïd el-Adha (« fête du sacrifice ») à la mosquée de Tétouan, dans le nord du royaume chérifien. Djellaba jaune pastel et tarbouche grenat, le roi Mohammed VI est assis sur un tabouret gainé de cuir. Son visage trahit la fatigue, tandis que chacun autour de lui loue Allah en se prosternant. Cette image du souverain de 62 ans, singularisé dans sa fragile immobilité au sein d’une assemblée en génuflexion, effort qu’il ne peut plus accomplir, aggrave l’inquiétude déjà prégnante sur son état de santé.
Plus de deux semaines après, inversion radicale du narratif. Les réseaux sociaux diffusent une vidéo où l’on voit ce même Mohammed VI en maillot de bain, à cheval sur un Jet-Ski, au large de Cabo Negro, station balnéaire proche de Tétouan, entouré d’un essaim d’esquifs de gardes du corps. Le roi lève une main timide vers les compatriotes qui l’acclament de la côte. Son attitude reste empruntée, mais un souverain capable de piloter seul pareil engin ne saurait être souffrant. Soudain, le trouble né de la scène précédente se dissipe.
Cette chorégraphie duale ne saurait mieux résumer le processus de transition que traverse le Maroc. Le roi est physiquement diminué, d’autres clichés le confirment – surtout quand il accueille Emmanuel Macron à Rabat, fin octobre 2024, amaigri, une canne en main –, mais cet affaiblissement ne comporterait à ce stade rien de dramatique, rien qui puisse entamer sa sérénité au gouvernail du royaume.
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