On pourrait penser que les rouages techniques et administratifs d’une réforme judiciaire n’éveillent pas l’attention populaire. Mais le dernier mois du mandat du président mexicain, Andres Manuel Lopez Obrador, dit « AMLO », s’annonce chahuté par les conséquences en cascade de ce projet de réforme, qui prévoit notamment que juges et magistrats soient élus par un vote populaire. Présentée le 5 février, celle-ci sera l’un des premiers gros dossiers traités par les députés et sénateurs de la nouvelle législature lors de leur rentrée du dimanche 1er septembre.
Le peso mexicain qui chute lourdement, un système judiciaire paralysé par une grève et un couac diplomatique avec les Etats-Unis sont quelques-unes de ces retombées. Le 22 août, l’ambassadeur américain au Mexique, Ken Salazar, avait publié un communiqué dans lequel il rappelait son passé de procureur, avant d’exposer ses préoccupations : « Selon mon expérience, après toute une vie passée à défendre l’Etat de droit, je crois que l’élection directe des juges représente un risque majeur pour le fonctionnement de la démocratie au Mexique. » Et d’ajouter que « [le débat autour de cette réforme] menace la relation commerciale historique que nous avons construite, et qui dépend de la confiance des investisseurs dans le respect de la loi au Mexique ».
La réaction des marchés ne s’est pas fait attendre. Le peso mexicain a terminé brutalement sa belle saison commencée en 2023. La monnaie a perdu 16 % de sa valeur depuis les élections générales du 2 juin. Particulièrement réactif aux velléités d’ingérence, le président mexicain a décidé, à la suite de ces commentaires, de mettre en « pause » ses relations avec l’ambassadeur. Le chef d’Etat a par la suite précisé que cette annonce ne concernait que le diplomate, et non les relations entre les deux pays. Mais le département d’Etat américain a pris la mouche, et par la voix du sous-secrétaire pour l’hémisphère occidental, Brian A. Nichols, a transmis son soutien public à son ambassadeur, tout en réitérant son respect pour la souveraineté du Mexique.
Avec une majorité qualifiée des deux tiers à la Chambre des députés à partir de dimanche, Morena (le parti d’« AMLO » et de la présidente élue, Claudia Sheinbaum, qui prendra ses fonctions le 1er octobre) et ses alliés sont assurés de faire passer cette réforme en première instance. Au Sénat, il ne leur manque qu’une voix pour obtenir cette même majorité qualifiée et l’entériner définitivement. « Je sais que ça va être difficile, mais je garde espoir que cette réforme ne passe pas. Ils ne peuvent pas ignorer notre mouvement », soupire Graciela Malja Aguirre, une magistrate qui participe au piquet de grève paralysant le tribunal fédéral depuis le 19 août.
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