Alors que le Pakistan a lancé une campagne d’expulsions visant des Afghans parfois nés sur son sol ou y résidant depuis des décennies, plus de 100 000 d’entre eux (dont plus de la moitié sont des enfants) ont été forcés de partir du pays depuis trois semaines. Le ministère de l’intérieur pakistanais a recensé « 100 529 Afghans [ayant] quitté le pays » depuis le 1er avril.
Islamabad, qui voit les violences exploser dans ses régions frontalières avec l’Afghanistan, accuse les trois millions d’Afghans vivant sur son sol d’être « liés au terrorisme et au narcotrafic ». En mesure de rétorsion, le pays a annulé le 1er avril les 800 000 cartes de résidence distribuées à des Afghans. A la fin de 2023 déjà, quelque 800 000 Afghans étaient rentrés dans leur pays d’origine lors d’une première campagne similaire. Kaboul, dont le gouvernement taliban n’est reconnu par aucun pays, se dit « préoccupé » et « déçu » par ces expulsions et accuse son voisin d’utiliser les migrants « à des fins politiques ».
Désormais, chaque jour, des convois de familles juchées avec leurs ballots faits à la hâte sur des camions colorés franchissent les deux postes-frontières entre le Pakistan et l’Afghanistan. Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) a déjà recensé, depuis le début d’avril, plus d’arrestations et de détentions d’Afghans au Pakistan que durant toute l’année 2024. Militants et migrants accusent depuis des mois le Pakistan d’arrestations arbitraires, de racket et de harcèlement à l’endroit des Afghans. Au Pakistan toutefois, cette nouvelle campagne bénéficie d’un large soutien de la population.
Des milliers en attente de relocalisation aux Etats-Unis
Samedi, le premier ministre taliban, Mohammad Hassan Akhund, a dénoncé les « mesures unilatérales » de son voisin et exhorté le chef de la diplomatie pakistanaise, Ishaq Dar, qu’il recevait à Kaboul à « faciliter un retour digne des réfugiés afghans ».
D’après le HCR, « 58 % d’entre eux [des Afghans qui ont quitté le Pakistan] sont des enfants » – qui rentrent dans le seul pays du monde où les filles n’ont pas le droit d’étudier au-delà de 12 ans. Parmi les Afghans présents au Pakistan, des milliers ont quitté leur pays à la demande d’ambassades qui se sont retirées de Kaboul à la prise de pouvoir des talibans et délivrent désormais leurs visas à Islamabad, notamment.
En Afghanistan, ces migrants de retour ne trouveront que marasme économique et pauvreté galopante, ne cessent de répéter les organisations non gouvernementales. Car si les violences ont quasi disparu depuis le retour au pouvoir des talibans à l’été 2021, plus de la moitié de la population a besoin d’aide humanitaire pour survivre.
Outre les programmes de réinstallation d’Afghans et d’Afghanes – pour la plupart menacés sous le pouvoir taliban – en Europe et ailleurs dans le monde, une bonne part des quelque 13 000 Afghans ayant obtenu l’accord pour une relocalisation aux Etats-Unis attendent au Pakistan. Le sort de ces « 12 866 candidats », selon le département d’Etat américain, est aujourd’hui suspendu à la décision du président Donald Trump de reprendre les programmes d’aide aux réfugiés qu’il a gelés.
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Le Pakistan a donné jusqu’au 30 avril aux ambassades pour évacuer ces réfugiés avant de les expulser également. Le 30 juin, il réévaluera la situation du 1,3 million de personnes détentrices d’une carte dite « PoR » (pour Proof of Registration Card) du HCR.