Dina Boluarte, la présidente du Pérou a promulgué, mercredi 13 août, une loi controversée accordant une amnistie aux militaires, policiers et membres des groupes paramilitaires accusés de violations des droits humains commises entre 1980 et 2000, lors du conflit armé contre les guérillas de gauche.
« Par cette loi d’amnistie, le gouvernement péruvien et le Congrès reconnaissent le sacrifice des membres des forces armées, de la police et des groupes d’autodéfense dans la lutte contre le terrorisme », a déclaré Mme Boluarte lors d’une cérémonie au palais présidentiel. « Nous leur rendons la dignité qui n’aurait jamais dû être remise en question. »
Selon la nouvelle loi votée le 9 juillet, l’amnistie s’appliquera aux militaires et civils qui n’ont pas encore été condamnés par la justice. Elle prévoit également la libération des condamnés âgés de plus de 70 ans.
Le conflit armé entre l’Etat et les guérillas du Sentier lumineux et du Mouvement révolutionnaire Tupac Amaru a fait environ 70 000 morts et 20 000 disparus, selon les chiffres officiels.
« Cette loi est tout simplement une trahison envers les victimes péruviennes », a déclaré Juanita Goebertus, directrice de la division Amériques de Human Rights Watch (HRW). « Elle sape des décennies d’efforts visant à garantir la responsabilité pour les atrocités commises et affaiblit encore davantage l’état de droit dans le pays », a-t-elle ajouté dans un communiqué.
Un texte clivant
La CIDH, plus haute instance judiciaire du continent, avait ordonné le 24 juillet à l’Etat péruvien d’« immédiatement » suspendre la procédure législative et, en cas de promulgation, de s’abstenir d’appliquer la loi pendant qu’elle analyse ses effets sur les droits des victimes.
Mme Boluarte, qui bat des records d’impopularité et achèvera son mandat en juillet 2026, avait immédiatement critiqué cette exigence : « Cette position du gouvernement est souveraine, autonome, libre et juste pour un pays qui aspire à la paix ». La présidente fait elle-même l’objet d’une enquête pour la mort de manifestants survenus après son accession au pouvoir en décembre 2022. Sa cote de popularité a chuté à un niveau historiquement bas, atteignant 1,3 % selon un sondage publié en juillet.
Des experts de l’ONU avaient de leur côté exhorté le gouvernement péruvien à mettre son veto sur la loi, faisant valoir que les normes internationales interdisent les amnisties pour les crimes graves.
La loi pourrait affecter 156 affaires avec jugement définitif et plus de 600 procédures judiciaires en cours pour des crimes commis durant ces années, avaient estimé les experts mandatés par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU, mais ne s’exprimant pas au nom de l’organisation.
En août 2024, le Pérou avait déjà adopté une loi de prescription pour les crimes contre l’humanité commis avant 2002, fermant ainsi la voie à des centaines d’enquêtes. Cette initiative, que les défenseurs des droits humains qualifient de « loi d’impunité », avait profité notamment à l’ancien président, Alberto Fujimori (1990-2000) – condamné pour avoir ordonné deux massacres de civils en 1991 et 1992 –, ainsi qu’à 600 militaires poursuivis en justice.
La Commission de la vérité et de la réconciliation a recensé au Pérou plus de 4 000 fosses clandestines résultant des violences commises entre 1980 et 2000.
En 2005, la Cour suprême argentine a déclaré inconstitutionnelles les lois d’amnistie des années 1980 qui avaient permis dans le pays à environ un millier de militaires et policiers responsables de graves violations des droits de l’homme sous la dictature militaire (1976-1983) d’échapper à la justice.