Un jour, peu de temps après sa conversion, Christine Allain a confié à son fils Thomas avoir vu les chiffres du Loto inscrits dans la traînée laissée par un avion. Elle a joué les numéros : « Quatre étaient bons », assure-t-elle. Mais elle n’est pas allée toucher son gain : l’islam interdit les jeux d’argent. Christine Allain, 67 ans, est aujourd’hui jugée par la cour d’assises spéciale de Paris, avec ses deux belles-filles, Mayalen Duhart, 42 ans, et Jennyfer Clain, 34 ans, pour s’être rendue en Syrie au temps du « califat » de l’organisation Etat islamique (EI) avec son mari, ses deux fils et ses neuf petits-enfants.
On l’aura compris, Christine Allain est exaltée et rigide tout à la fois, un mélange détonnant de mysticisme et de norme. Pourtant, elle est capable d’humour. Quand ses codétenues de la prison d’Orléans les ont surnommées, avec une « droit commun » dont elle est proche, « Mamie Kalach » et « Mamie Cartouche », ça l’a fait rire. L’administration pénitentiaire moins. En famille, Christine Allain se fait appeler « Moune », un sobriquet de grand-mère gâteau.
Au début de l’interrogatoire, mercredi 24 septembre, elle tient à préciser : « Quand j’étais petite, ma matière préférée était la morale. » Lorsque son fils se convertit à l’islam, elle marche dans ses pas pour ne pas le perdre. Mais adopte dès le début une pratique radicale, expliquant à son compagnon qu’elle ne pouvait pas rester avec lui s’il ne se convertissait pas à son tour. « J’ai été très naïve », répète-t-elle à plusieurs reprises, ainsi que : « On nous a trompés », comme pour se dédouaner.
Besoin d’une autorité
Cette femme au caractère bien trempé, ancienne éducatrice spécialisée, a besoin de tout intellectualiser, décortiquer, de peur de se tromper et de tomber dans l’erreur : « Cérébro-mécanique », ont décrit les psychiatres. Elle a besoin d’une autorité qui valide ses choix. Cela a été l’EI, ce sont aujourd’hui les médiateurs du fait religieux qui interviennent en prison pour déconstruire sa vision djihadiste de la religion. Elle ne croit plus que la charia doive être appliquée à la lettre. « Le Coran, je ne le remets pas en cause en tant que parole, mais en tant qu’interprétation », explique-t-elle.
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