Ces quatre-là sont les cas les plus spectaculaires, pas les plus représentatifs. Quatre exceptions, un groupe à part au sein de la multitude d’hommes jugés pour viols devant la cour criminelle du Vaucluse. Parmi les 50 coaccusés de Dominique Pelicot qui se succèdent à la barre depuis cinq semaines, 40 sont venus une seule fois à Mazan. Six autres sont revenus une deuxième fois. Et puis il y a ces quatre-là, qui sont venus, revenus, et revenus encore. Et encore. Et encore. Et encore. Six fois en tout.
Le premier de ces multirécidivistes – qui comparaissent tous détenus – avait été entendu début octobre par la cour : Jérôme V., six passages à Mazan entre mars et juin 2020, dont quatre en plein confinement. Cet accusé de 46 ans en proie à une « addiction sexuelle » a tout reconnu. Il savait avant le premier rendez-vous que Gisèle Pelicot serait droguée à son insu, il avait conscience du « caractère immoral et illégal » de la situation, il est le seul à bien vouloir dire que c’est précisément ce qui l’a excité : « Avoir toute possibilité d’action faisait partie d’un éventuel fantasme. »
Tant pis si la réalité n’avait pas été à la hauteur du fantasme, Jérôme V. n’avait pu s’empêcher de revenir. « A partir du moment où j’y retournais, c’est qu’une partie de moi s’y retrouvait. » Et puis Dominique Pelicot avait cessé de le contacter. « Heureusement, parce que je ne sais pas si j’aurais été capable de dire non », avait reconnu cet homme torturé et désireux de s’expliquer, d’exprimer sa « honte » et des regrets qui, contrairement à ceux de nombre de ses coaccusés, n’avaient pas semblé artificiels. « Vous êtes désarmant de sincérité », lui avait dit Antoine Camus, avocat de Gisèle Pelicot.
« Je reviens sur ce que j’ai dit »
Difficile de nier quand on s’est rendu six fois chez les Pelicot, pensait-on. Jusqu’à l’interrogatoire calamiteux de Dominique D., mercredi 16 octobre. Cet ancien militaire devenu chauffeur routier, né il y a quarante-cinq ans dans le Nord, benjamin d’une fratrie de 16 enfants placé en famille d’accueil à six mois, avait pourtant tout reconnu dès sa garde à vue : Gisèle Pelicot droguée au Temesta à son insu, les précautions pour ne pas la réveiller, l’excitation, etc. Lui qui s’était inscrit sur Coco.fr à « la recherche de nouveauté », pour combler une sexualité conjugale déclinante, avait même révélé aux enquêteurs l’existence du premier de ses six passages chez les Pelicot (entre février 2015 et septembre 2020), dont il n’existe, fait rarissime, ni photo ni vidéo.
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