La parole est aux accusés. Lundi 16 décembre, après trois mois et demi d’audiences, les 51 hommes jugés au procès des viols de Mazan ont une dernière occasion de s’exprimer avant le verdict, attendu jeudi matin. C’est Dominique Pelicot, l’accusé principal, qui s’est exprimé le premier, commençant « par saluer le courage de [son] ex-femme », Gisèle Pelicot, qu’il avait droguée pendant une décennie pour la violer et la livrer à des dizaines d’hommes recrutés sur Internet.
« Je la prie, et le reste de ma famille, de bien vouloir accepter mes excuses », a poursuivi Dominique Pelicot, 72 ans. « Je regrette ce que j’ai fait, faire souffrir [ma famille] depuis 4 ans [la date de la révélation des faits], je leur demande pardon », a poursuivi le septuagénaire.
Il a également remercié la cour qui a accepté qu’il puisse rester assis sur une chaise spéciale en raison de son état de santé fragile, ce « qui a pu être interprété comme de la désinvolture » mais qui n’en était pas, a-t-il assuré. Il a aussi eu un mot pour son avocate, Me Béatrice Zavarro, qui lui a permis de ne pas « lâcher la rampe ». Dans le cas contraire, « ça aurait été une preuve de lâcheté vis-à-vis des miens et une facilité pour les accusés de leur donner raison. Donc j’ai tenu ».
« On m’a affublé de titres, j’ai plutôt l’intention de me faire oublier », a-t-il prévenu, estimant avoir « une honte intérieure » : « J’ai une carapace que je me suis créée, sinon on meurt en prison », a poursuivi celui qui a été décrit par plusieurs avocats des coaccusés comme « l’ogre de Mazan », un « loup » qui aurait piégé leurs clients en leur faisant croire au scénario d’un couple libertin où l’épouse ferait semblant de dormir.
Dominique Pélicot a expliqué que « la privation de ne plus voir les siens est pire que la privation de liberté » : « Je peux dire à toute ma famille que je les aime. Voilà, vous avez le reste de ma vie entre vos mains », a-t-il conclu en direction des cinq magistrats professionnels de la cour.
Vingt ans de réclusion criminelle requis contre Dominique Pelicot
Les autres accusés, des hommes âgés de 27 à 74 ans, pouvaient s’exprimer à la barre s’ils le souhaitaient dans l’ordre auquel leurs cas avaient été étudiés par la cour. Les conditions de ces prises de parole avaient été strictement définies pour les 32 accusés comparaissant libres ou depuis leur box pour les 18 accusés détenus [le 51e, en fuite, est jugé in absentia]. « Ce moment doit pouvoir permettre à chaque accusé d’ajouter éventuellement un mot. Il ne s’agit pas de répéter ce qui a pu être plaidé par les avocats ces derniers jours. Il est évident que ce qui a déjà été dit serait répétitif et je pourrais dans ce cas couper l’intervention », avait prévenu jeudi le président de la cour, Roger Arata.
Après avoir donné une dernière fois la parole aux accusés, la cour criminelle de Vaucluse s’est retirée lundi en milieu de matinée pour délibérer. « Nous allons donc nous rendre dans la chambre des délibérations et n’en sortirons que quand nous aurons pris notre décision », a annoncé le président de la cour, Roger Arata, qui a précisé que « le prononcé du délibéré aura lieu à 9 h 30 jeudi ». Une date « théorique » qui pourrait être repoussée à jeudi après-midi ou vendredi matin en fonction « de la durée de notre délibéré », a aussitôt ajouté le magistrat.
« Un message d’espoir aux victimes de violences sexuelles »
Dans son réquisitoire, les 25, 26 et 27 novembre, l’accusation avait requis la peine maximale possible, soit 20 ans de réclusion criminelle, contre Dominique Pelicot, le « chef d’orchestre » de cette décennie de viols sur son épouse. Les autres réquisitions s’étaient étalées de 10 à 18 ans de réclusion contre les 49 accusés poursuivis pour viols aggravés, quatre ans de prison étant demandés contre le dernier, seulement poursuivi pour « attouchements » sur Gisèle Pelicot.
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La cour suivra-t-elle ces réquisitions, plus sévères que la moyenne générale des condamnations pour viols en France, qui était de 11,1 ans en 2022, selon le ministère de la Justice ? Ou, à l’inverse, osera-t-elle suivre la trentaine de demandes d’acquittement formulées par les avocats de la défense, selon qui leurs clients ont été « manipulés » par Dominique Pelicot, et « n’avaient pas l’intention » de violer son ex-épouse ?
Par sa décision, la cour enverra « un message d’espoir aux victimes de violences sexuelles », avait en tout cas espéré lors du réquisitoire Laure Chabaud, l’une des deux représentantes du ministère public à ce procès devenu également emblématique des questions de soumission chimique et de consentement. Cette dernière semaine va clore une procédure hors norme, débutée le 2 septembre à Avignon, au puissant retentissement national et international.