Sur les bancs de la partie civile, à la cour criminelle du Morbihan, à Vannes, la jeune femme attend son tour. Fonctionnaire, discrète, la trentaine, elle semble encore toute étonnée d’être là, elle qui ne comptait pas venir témoigner, il y a quelques semaines à peine. S’afficher victime de Joël Le Scouarnec, cet ex-chirurgien qui comparait depuis le 24 février pour viols et agressions sexuelles contre 299 patients, mineurs en grande majorité au moment des faits ? Impensable. Peut-on ainsi livrer son intimité sur la place publique ?, pensait-elle. Et comment les voisins, la famille, les amis la regarderaient chez elle, à Vannes, cité bretonne où tout le monde se connaît ?
Au début des audiences, elle avait croisé sur le marché des gens qui parlaient du procès, chacun calculant quel âge il avait à l’époque où l’ex-médecin opérait dans la région, entre 1994 et 2007, manière de vérifier si on était passé entre ses mains ou pas. « Ouf, c’est bon, je n’y étais pas ! », avait soufflé un commerçant. « Moi non », « moi non plus », répétait-on autour, soulagé. La fonctionnaire avait passé son chemin, tête baissée. Elle aurait voulu être en colère. Un seul sentiment l’avait envahi, la honte et la douleur de la honte.
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