Dans la longue histoire des congrès du Parti socialiste (PS), le 81e, qui s’est achevé à Nancy, dimanche 15 juin, restera marqué du sceau de l’impuissance. A deux ans de l’élection présidentielle de 2027, dans un contexte politique guère favorable à la gauche, le parti devait remplir deux conditions pour espérer peser : affirmer une ligne claire et rassembler le plus largement possible autour de cette ligne. La réélection trop étroite d’Olivier Faure pour un quatrième mandat (51,15 %) face au maire de Rouen, Nicolas Mayer-Rossignol, les ambiguïtés persistantes du premier secrétaire à l’égard de La France insoumise (LFI), dont il prétendait pourtant s’affranchir, ont eu raison de l’unité recherchée.
Le congrès de Nancy, qui devait être celui de l’émancipation, s’est déroulé de bout en bout sous l’ombre portée de Jean-Luc Mélenchon, qui a feint de s’en étonner pour mieux s’en réjouir. La synthèse s’est brisée lorsque les partisans du maire de Rouen ont vainement exigé l’assurance écrite qu’il n’y aurait pas d’« accord national et programmatique » avec LFI en cas de législatives.
Les difficultés du Parti socialiste à s’affranchir de son encombrant allié ne tiennent pas seulement à la faiblesse de son leadership. Elles découlent du rapport de force électoral qui fait qu’un certain nombre de maires et de députés socialistes ne peuvent espérer se faire réélire sans le soutien de Jean-Luc Mélenchon. Elles renvoient à l’incapacité du camp réformiste à faire émerger, sur les décombres du quinquennat de François Hollande, un projet susceptible de concurrencer la rupture défendue par celui qui avait juré un jour de « plumer la volaille socialiste ».
Procès en dilution
Adepte d’un « socialisme écologique » dont il n’est pas parvenu en sept ans à définir le contenu, Olivier Faure espérait démontrer à Nancy sa capacité à ancrer le PS dans un rassemblement de la gauche suffisamment large pour marginaliser l’« insoumis ». La faible dynamique dont il dispose en interne l’expose davantage au procès en dilution. Son rival, Nicolas Mayer-Rossignol, qui plaidait pour « une affirmation socialiste » sur un axe beaucoup plus réformiste mais restait flou sur les alliances possibles, n’a pas davantage convaincu.
L’état de division dans lequel se trouve l’ancien parti dominant de la gauche, aujourd’hui réduit à moins de 40 000 militants revendiqués, l’expose à de grandes déconvenues. En désaccord sur la ligne, les socialistes vont avoir le plus grand mal à se doter d’un projet susceptible de renouveler leur identité. Ils vont se retrouver sur la défensive lorsqu’ils devront décider s’ils votent ou non la censure contre le gouvernement de François Bayrou, lorsque celui-ci aura, à la mi-juillet, tracé ses pistes pour tenter de réduire les déficits et la dette.
Cette désunion peut encore être aggravée par les manœuvres qui ont lieu à l’extérieur du parti pour tenter de faire perdurer une gauche de gouvernement. En rupture de ban depuis 2022, l’ancien premier ministre Bernard Cazeneuve vient de s’allier avec le ministre de l’aménagement du territoire, François Rebsamen, pour œuvrer à un rassemblement de la gauche sociale-démocrate en vue de 2027. A la tête de Place publique, Raphaël Glucksmann tente d’élargir à son profit l’électorat de centre gauche qu’il avait réussi à capter lors de la campagne des élections européennes de 2024. Autant de stratégies qui accroissent le risque de dévitalisation, voire de sécession, auquel le PS est désormais exposé.