A l’heure du déjeuner, L’Oiseau blanc, situé au sommet de l’Hôtel Peninsula, à Paris, fait le plein. Dans ce restaurant proche des Champs-Elysées, on croise des touristes asiatiques ou américains, des cadres en déjeuner d’affaires, des couples de Parisiens s’offrant une pause gastronomique…
Impeccable dans son costume trois pièces en tartan, Florent Martin, le sommelier, guette la prochaine commande, une main sur son chariot de service. Mais ce ne sera peut-être pas un champagne ou un bourgogne. « Je viens de servir à cette dame un kombucha à la feuille de clémentine », souffle-t-il. « Quand je passe à une table, je présente nos vins, mais aussi nos boissons sans alcool, et cela plaît de plus en plus », confie ce sommelier chevronné, lauréat de multiples concours dans son domaine.
Kéfir, kombucha ou bordeaux, son cérémonial est le même : il présente la bouteille au creux de sa main, en décrit les saveurs, verse une petite quantité dans un verre à pied, attend l’approbation avant de poursuivre… « L’idée, c’est que celui qui ne prend pas d’alcool ne soit ni exclu ni jugé, explique-t-il. Jusqu’à récemment, il n’y avait pas d’offre qualitative qui puisse constituer une vraie alternative au vin. Aujourd’hui, certaines boissons fermentées offrent une expérience similaire. Leur peps et leur acidité se marient bien avec la cuisine française. Ce kéfir, par exemple, a l’esprit d’un rosé épicé. Ce kombucha, avec son caractère résineux, s’accorde bien avec les moules au safran. »
A 37 ans, ce Corse se dit frappé par la chute continue de la consommation de vin chez ses clients, en particulier le midi. Selon la dernière étude de Santé publique France, datée de janvier 2024, 61 % des Français déclarent ne pas consommer d’alcool chaque semaine, contre 37 % en 2000. Chez les jeunes, cette baisse est encore plus marquée.
Réinventer son métier
Dans les restaurants, cette tendance signifie surtout une baisse de chiffre d’affaires, alors que leurs marges se font en grande partie sur les boissons. « Certains midis, il m’est arrivé de ne servir que quatre ou cinq verres sur tout le service ! Les clients sont plus attentifs à leur poids, à leur santé. Ils ont moins l’habitude de l’alcool… Du coup, je me demande : je sers à quoi ? »
Pour Florent Martin, réinventer son métier passe par ces nouvelles boissons sans alcool de plus en plus élaborées, vendues à L’Oiseau blanc une dizaine d’euros le verre. Celles qu’il sert mêlent par exemple des ferments de kombucha avec des feuilles de fraisier, du gingembre, de la verveine, du jus de yuzu, du cédrat… Des boissons déjà en plein essor dans les épiceries bio : le marché des kéfirs et des kombuchas progresse de 8 % par an, selon les chiffres du cabinet Biotopia.
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