Une femme d’un bloc dans l’infini de l’espace : sur le vaste plateau du Théâtre 13, à Paris, la comédienne, performeuse et danseuse Nanyadji Ka-gara entame une course de fond remarquable, qui la voit accomplir d’un souffle ailé mais calme des sauts de haies intimes, géographiques, mémoriels et politiques.
Ces étapes sont elles-mêmes reliées entre elles par l’écriture de Penda Diouf, autrice d’un texte envoûtant, dont le titre Pistes… est une invitation au mouvement intérieur. Le flux des pensées du public va au rythme des phrases qui coulent en lignes résolues : un fil se tend entre la salle et l’actrice. Il ne se brisera pas.
La scène reste vide, ou presque. D’abord une immense piste de course avec ses couloirs numérotés qui se dressent à la verticale. Puis une lumière rasante, qui nappe le sol de tons orange et ocre. Dans le fond, l’imposante paroi sur laquelle sont projetées des visions de désert. Arbres secs, ombres friables, soleil voilé, pas un humain à l’horizon, et pour cause : découpée en trois séquences, la pièce de Penda Diouf évolue du quotidien d’une Française désignée comme noire depuis son enfance au voyage entrepris par cette même femme en Namibie (pays de l’athlète admiré, Frankie Fredericks), jusqu’au récit final des exactions commises, dans ce pays, par l’Allemagne du chancelier Otto von Bismarck, au XIXe siècle.
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