Il faut avoir entendu une fois dans sa vie le Werther, de Benjamin Bernheim. La première du chef-d’œuvre de Jules Massenet, présentée au Théâtre des Champs-Elysées jusqu’au 6 avril, fera date tant le ténor franco-suisse, dans la pleine possession de ses moyens, a dessiné le portrait idéal du héros romantique de Goethe, incarnant jusqu’au plus intime ce que le titre de l’opéra ne mentionne pas, les « souffrances ». Il y a d’abord cette clarté impeccable de la prosodie, où chaque consonne (articulée), chaque voyelle (colorée), chaque phrasé, donne de l’intelligence au sensible, du sensible à l’intelligence.
Benjamin Bernheim fait plus que jouer un personnage, mieux que chanter un rôle. Il est le jeune Werther. Chaque fibre de son être s’exprime dans le tourment et le bonheur de vivre avec une âme et une sensibilité hors du commun, enivré et blessé d’un trop-plein de vie, d’amour, d’infini. Le chanteur offre une envoûtante palette, du pianissimo le plus subtilement velouté à l’éclatant fortissimo de pleins poumons, la voix ouatée d’une grâce insoutenable ou brûlant d’une ardeur comme chauffée à blanc. Parler de soutien de la ligne revient presque à évoquer la notion de portance, cet endroit précis et fluide, où se combinent vitesse et perpendicularité, qui permet au son de décoller sans effort, ce dont le chanteur use avec un art que tous lui envient.
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