Des envies de fuite et soudain, sans prévenir, la vigilance est décuplée et le souffle coupé par l’intelligence qui frémit sur le plateau : difficile de quitter le Théâtre du Châtelet sans avoir éprouvé la force théâtrale, poétique et politique de Hamlet/Fantômes, un spectacle qui mérite que l’on passe outre l’agacement qu’il suscite tant il travaille les consciences au corps, en temps réel et puis en différé.
Pour en mesurer les effets, il faut donc tenir, quoi qu’il en coûte, les trois heures cinq (avec entracte) que dure une représentation qui doit ses dénivelés aux montagnes (russes) aménagées par un artiste (russe) en exil et opposant de Vladimir Poutine : Kirill Serebrennikov, auteur, metteur en scène, scénographe et costumier est à l’origine de cette très libre variation autour de Hamlet, de William Shakespeare. Libre, le concepteur l’est au point de s’approprier l’œuvre pour n’en garder que les nerfs (l’iconique monologue « être ou ne pas être » se déplace d’acteur en acteur) et ainsi injecter, dans les lambeaux de pièce restants, ce qui seul l’intéresse : l’errance d’un jeune homme traqué par ses fantômes qui l’acculent au silence.
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