Vice-président de l’Académie des sciences agricoles du Vietnam, membre du comité scientifique 2020-2025 du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad), Dao The Anh est l’un des partenaires-clés de la mise en œuvre du programme Asset (pour Agroecology and Safe Food System Transitions) conçu pour apporter des innovations aux paysans vietnamiens, cambodgiens et laotiens en matière d’agroécologie. Le professeur Dao a eu un rôle décisif dans l’inclusion par le Vietnam des principes de l’agroécologie dans sa nouvelle stratégie de développement agricole. Formé en France, il a repris le flambeau de son père, Dao The Tuan, considéré comme le « père du riz de printemps » et l’un des pionniers de la coopération avec la France.
Comment le Vietnam a-t-il si bien « réussi » sa « révolution verte » ?
Après la guerre d’indépendance avec la France [1946-1954], il a fallu intensifier la production vivrière comme le riz, car la population en avait besoin. On a établi des coopératives, on a fait de la recherche agronomique et investi dans l’irrigation. Comme la surface agricole par tête est très petite, de 0,07 hectare par personne, il était impératif de parvenir à plusieurs récoltes par an. C’est ce qu’on appelle la « révolution verte ». Le Vietnam l’a mise en œuvre presque en même temps que les pays africains, après la décolonisation. Mais les trajectoires sont très divergentes soixante ans après.
Le Vietnam a eu beaucoup de succès avec sa révolution verte, bien plus que les pays africains : on est devenu autosuffisant en riz. On a commencé à exporter à partir des années 1990. Les exportations représentent aujourd’hui environ 20 % de la production de riz. De 7 à 8 millions de tonnes de riz sont exportées vers les pays asiatiques et quelques pays africains. Les rendements sont parmi les meilleurs parce que l’on a des taux d’irrigation sur la superficie rizicole totale d’à peu près 70 %. Donc, on peut cultiver entre deux et trois riz par an. Sans irrigation, en Afrique, c’est souvent une seule récolte annuelle.
Mais ce succès a créé de nouveaux problèmes…
Aujourd’hui, on a atteint un plafond. On doit payer ! L’intensification a amené à utiliser des variétés améliorées de graines, beaucoup d’engrais chimiques, et beaucoup d’insecticides, car plus de rendement veut dire plus d’insectes. L’autre facteur, c’est la diminution de la main-d’œuvre agricole, qui incite à utiliser des herbicides pour le désherbage, qui n’est plus fait manuellement. Donc, la pollution des sols, de l’eau, et les émissions de méthane sont très importantes. Ces dernières contribuent au réchauffement de la planète : on a 3,5 millions d’hectares de rizières, avec deux récoltes, cela fait 7 millions d’hectares par an, soit 25 % des émissions de méthane du Vietnam. Le méthane provient de la fermentation dans les zones inondées : avec deux ou trois récoltes par an, c’est inondé en permanence, il n’y a pas de temps pour reposer les sols. Ces émissions sont la conséquence directe de l’intensification.
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