La vocation d’Aurélia Leblanc, designer textile à Pantin, en Seine-Saint-Denis, est peut-être née au marché Saint-Pierre, à Paris, où, enfant, elle déambulait entre les bacs à coupons de tissu avec sa mère, une prof de lettres manuelle, l’un n’excluant pas l’autre, bien au contraire. Car, dans la famille d’Aurélia Leblanc, dont l’arrière-grand-mère était porcelainière à Limoges et la grand-mère modiste en Auvergne, le plaisir de faire se transmet de mère en fille. L’indépendance créatrice, aussi.
Diplômée des Beaux-Arts de Bruxelles en 2015, puis, très vite, free-lance pour la haute couture, la créatrice de 38 ans conçoit, sur son métier à tisser artisanal, des tissus d’exception, comme ces capitonnés noir profond pour Dior Couture ou ces pièces lamées d’or et d’argent pour la collection printemps-été 2023 de Maison Rabih Kayrouz.
En 2023 également, elle obtient, avec la verrière Lucile Viaud, le prix Liliane Bettencourt pour l’intelligence de la main pour leur tissage de verre intitulé « Pêche cristalline ». Réalisé avec un fil en lin et verre Glaz (inventé par Lucile Viaud), et métaphore « du filet ondoyant que le pêcheur jette à l’eau », le projet avait pourtant démarré comme « une blague ». Ou une gageure impossible. Le duo va pourtant réussir à fusionner la dureté du verre et la souplesse du textile, en créant une matière inédite.

L’excellence couture d’un côté, dans la solitude de son atelier, et de l’autre, l’expérimentation, la transversalité des arts et les expositions, c’est ainsi qu’Aurélia Leblanc travaille. Après la biennale Révélations, au Grand Palais, et l’exposition « Fils et filiations », organisée par la brodeuse Audrey Demarre, qui viennent de s’achever à Paris, la designer va superviser, dès septembre, le nouvel atelier textile de la Fondation Fiminco, à Romainville. Baptisé « Atelier Simone Prouvé », cet espace de création, doté des deux spectaculaires métiers à tisser de la tisserande disparue en 2024, permettra aux résidents du centre d’art de s’ouvrir à la création textile.
C’est là, dans cette salle, pas si grande eu égard aux gigantesques machines – 4 mètres de long sur 2,40 mètres de hauteur pour le plus grand modèle –, qu’Aurélia Leblanc va œuvrer. « C’est très émouvant pour moi, car les derniers tissages de Simone Prouvé sont encore sur la chaîne. Elle était en pleine création quand elle les a laissés. » La designer va actionner les pédales pour lever les fils, tirer les navettes et tenter de transmettre son savoir-faire, sans trop effrayer les néophytes. « De toute façon, sourit-elle, modeste, tisser, c’est se tromper et recommencer. » Et remettre sur le métier, encore et encore. La persévérance comme fil d’Ariane.
