Alors qu’une décision était attendue sur la poursuite ou la suspension du chantier de l’autoroute A69, déjà très avancé et contesté par des militants écologistes, le tribunal administratif de Toulouse a annoncé rouvrir l’instruction du dossier, lundi 9 décembre. Après l’audience du 25 novembre et l’examen de quatre recours contre le projet d’autoroute – dont deux demandes d’annulation d’arrêtés préfectoraux autorisant la construction de 53 kilomètres d’autoroute – la décision du tribunal était très attendue.
L’instance a fait savoir dans un communiqué qu’« une nouvelle audience en vue de se prononcer sur la légalité des autorisations environnementales » se tiendrait « dans les prochains mois ». Ouvrant de ce fait la porte à une poursuite du chantier durant cette période d’attente.
Le tribunal précise dans son communiqué que des « notes en délibéré » ont été versées au dossier par l’une des parties à l’issue de l’audience du 25 novembre et que « dans l’intérêt d’une bonne justice, celles-ci ont été communiquées afin que toutes les parties à l’instance puissent utilement et exhaustivement débattre de la pertinence des arguments et éléments qui y sont exposés », sans plus de précisions.
« Le seul objectif de cette décision, c’est de poursuivre les travaux. C’est scandaleux », a fustigé auprès de l’Agence France-Presse Cécile Argentin, présidente de France Nature Environnement Occitanie Pyrénées, une des organisations opposées à l’A69. « Alors que tout a été clôturé et que le jugement devait être annoncé, normalement ce n’est pas possible de rouvrir une séance de débat », a-t-elle poursuivi, dénonçant une décision « purement illégale ».
La société Atosca, constructeur et futur concessionnaire, entend en effet poursuivre les travaux. « On rouvre [l’instruction], donc nous, on continue. Les gars sont sur le chantier aujourd’hui, ils y seront demain », a déclaré à l’Agence France-Presse une porte-parole du maître d’œuvre.
Vive contestation
Le 20 novembre, à la surprise générale, la rapporteure publique avait rendu un avis hostile au chantier, invitant la justice administrative à annuler les arrêtés préfectoraux autorisant la construction de l’autoroute, ce qui aurait provoqué une suspension de travaux.
Ce projet d’axe autoroutier de 53 kilomètres entre Toulouse et Castres, dont l’objectif affiché est de désenclaver le bassin de population de Castres-Mazamet dans le sud du Tarn, devait raccourcir d’une vingtaine de minutes ce trajet d’environ une heure trente, et doit théoriquement être ouvert à la circulation fin 2025.
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Un gain de temps que ses opposants jugent négligeable au regard des destructions de zones humides, terres agricoles, écosystèmes et nappes phréatiques que suppose un chantier d’une telle ampleur, alors que, soulignent-ils inlassablement, l’actuelle route nationale est loin d’être saturée. Depuis deux ans, le projet nourrit ainsi une vive contestation : installations de ZAD (zones à défendre) dans plusieurs bosquets ; grands rassemblements de militants écologistes sur le tracé, émaillés de heurts avec les forces de l’ordre ; manifestations contre les usines d’enrobés et recours judiciaires de toutes sortes.
La société Atosca met en avant les près de 300 millions d’euros déjà investis dans le chantier depuis son démarrage en avril 2023, sur un budget prévisionnel de 450 millions, et les 70 % des ouvrages d’art déjà réalisés. « Atosca prend acte de la décision du tribunal administratif de Toulouse, et produira ses observations dans le délai de 45 jours imparti par le tribunal », a déclaré à l’Agence France-Presse une porte-parole du maître d’œuvre.
La construction de l’A69, un projet porté par l’Etat, est soutenue par de nombreux élus locaux, le département du Tarn et la région Occitanie, ainsi que des acteurs privés, comme Pierre-Fabre, un des principaux laboratoires pharmaceutiques français. Pierre-Yves Revol, le patron de l’entreprise, principal employeur du sud du Tarn, avait menacé fin novembre de « remettre en cause le développement local » de l’entreprise en cas d’arrêt du chantier.
Faisant écho à leurs arguments, la rapporteuse publique Mona Rousseau avait jugé « excessif » d’invoquer une « véritable situation d’enclavement » du sud du Tarn. La magistrate avait également souligné que le gain de temps permis par cette autoroute payante s’accompagnerait d’une « dégradation » de la route gratuite, cet « itinéraire de substitution » traversant à nouveau les bourgs tarnais de Soual et Puylaurens car leurs contournements, aujourd’hui gratuits, sont intégrés à l’A69.