Les opposants à l’A69 ont demandé, lundi 13 janvier, au tribunal administratif de Toulouse la suspension « urgente » du chantier de cette autoroute controversée, soulignant les effets sur l’environnement des « lourds travaux prévus » dans les prochaines semaines. Au cours de ce nouvel épisode de la longue bataille engagée entre anti et pro-A69, un représentant de l’Etat et un avocat du constructeur ont estimé que les travaux « de compensation » prévus auraient au contraire des effets bénéfiques pour l’environnement. Le juge des référés fera connaître sa décision « d’ici à vendredi ».
« Tous les travaux impactant les espèces protégées ne sont pas réalisés, loin de là », a souligné l’une des avocates des opposants, Julie Rover, citant notamment le cas de la loutre. Dans une ambiance tendue, Me Rover a également dénoncé, documents à l’appui, sous le regard sceptique d’avocats de la partie adverse ou du représentant de la préfecture du Tarn, un projet visant à « combler » certains cours d’eau.
Au nom de la préfecture du Tarn, Yasser Abdoulhoussen a assuré que « les travaux les plus impactants sur les espèces protégées » ont déjà été réalisés, alors que des travaux « de compensation » restent à faire. De ce fait, « c’est une suspension éventuelle, même provisoire, qui serait dommageable pour l’environnement », a déclaré M. Abdoulhoussen.
Il a également mis en avant les « préjudices » qu’entraînerait une suspension des travaux particulièrement complexe sur un chantier s’étendant sur des dizaines de kilomètres. Certains travaux prévus sont « utiles à l’environnement », a également souligné l’avocat d’Atosca, constructeur et futur concessionnaire de l’A69, Carl Enckell, citant les passages facilitant les déplacements des animaux.
« Un moment-clé »
Pour les opposants au projet, en revanche, « bon nombre de mesures compensatoires sont elles-mêmes attentatoires aux espèces protégées », a souligné Me Rover. Le référé examiné lundi « demande la suspension des travaux en attendant le jugement sur le fond qui devrait intervenir fin février », affirment les associations d’opposants, soucieuses de ne pas voir le chantier, déjà bien avancé, continuer à progresser pendant que la justice réfléchit sur la décision à prendre.
« C’est un moment-clé de la lutte contre le projet d’autoroute », a estimé à l’Agence France-Presse une opposante au projet, membre du collectif La Voie est libre, avant l’audience. Ce collectif et d’autres associations partenaires ont engagé cette nouvelle action après la réouverture de l’instruction concernant les autorisations environnementales du chantier, décidée le 9 décembre 2024 par le tribunal administratif de Toulouse.
Cette décision a été qualifiée d’« étonnante » par les associations qui, après des mois de lutte sans succès contre l’autoroute, avaient repris très sérieusement espoir. En effet, la rapporteuse publique, magistrate indépendante dont les avis sont souvent suivis, s’était prononcée pour une annulation de l’autorisation du chantier de l’A69, lors d’une audience sur le fond le 25 novembre.
Une tribune demandant une réforme du droit de l’environnement
Les opposants attendaient avec impatience la décision de la juridiction toulousaine mais cette dernière a donc finalement choisi, contre toute attente, de rouvrir l’instruction, permettant ainsi la poursuite du chantier. « Stop à l’A69 et son monde, une autre voie est possible ! », proclame une banderole déployée lundi devant le tribunal par les anti-A69.
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Me Enckell, l’avocat du concessionnaire, a regretté que la requête des opposants « vise à dévoyer la procédure de référé pour faire pression sur les juges du fond » dont l’audience est prévue le mois prochain.
En dépit de ce qui a déjà été réalisé sur ce tracé de 53 kilomètres prévu pour relier à partir de fin 2025 Castres et Toulouse, les opposants estiment qu’il « n’est jamais trop tard pour renoncer », d’autant que le chantier a, selon eux, « plus d’un an de retard » − une affirmation vigoureusement contestée par Atosca.
En amont de l’examen du référé, plus d’une centaine d’avocats et d’universitaires ont signé en fin de semaine dernière une tribune demandant une réforme du droit de l’environnement. Selon ces professionnels, le dossier de l’A69 serait en effet emblématique d’une « politique du fait accompli » dans le cadre des grands projets d’infrastructures où « tout est fait pour préserver les intérêts économiques » au détriment du droit.