En septembre, dans son rapport sur la compétitivité européenne, l’économiste Mario Draghi étrille l’industrie de défense de l’Union européenne (UE). L’ancien patron de la Banque centrale européenne (BCE) et président du conseil italien souligne que, de juin 2022 à juin 2023, 78 % des dépenses des membres de l’UE dans le secteur proviennent de fournisseurs non européens. Sans surprise, les Etats-Unis représentent 63 % des commandes, une part de marché qui ne semble pas prête à reculer.
Depuis janvier, les groupes américains spécialisés dans la défense et la sécurité confirment leur excellente santé. Les rachats et rapprochements d’entreprises sont d’ailleurs repartis à la hausse, grâce aux flux de capitaux d’investisseurs privés. L’opération la plus emblématique est à mettre au crédit d’Arcline Investment, qui a payé 1,8 milliard de dollars (environ 1,69 milliard d’euros) pour s’offrir le fabricant d’hélicoptères Kaman, créé en 1945. Le fonds Arcline a même signé, en septembre, une nouvelle opération de poids. Il a offert à l’une des entreprises de son portefeuille, Fairbanks Morse Defense, la filiale de Rolls-Royce spécialisée dans les hélices de bateau.
Il y a dix ans, une poignée seulement de sociétés de capital-investissement comme Arcline se spécialisaient dans les investissements dans la défense, qui inclut le spatial et les services aux gouvernements. Depuis 2017, le cabinet S&P Global Market Intelligence recense 178 sociétés de gestion de fonds privés positionnées sur le secteur. « Ils sont intéressés par les contrats de longue durée ou avec des clients comme le ministère de la défense qui ne peut pas faire défaut », justifie Meghan Welch, directrice générale de la pratique de finance d’entreprise de KPMG, spécialisée dans les fusions et acquisitions dans le domaine de l’aérospatiale et de la défense.
Externalisation croissante des missions
Autre facteur d’attractivité du secteur, la croissance continue de 4 % du budget américain de la défense jusqu’en 2028. Elle profite principalement à la cohorte de sous-traitants utilisés par le Pentagone. La tendance à l’externalisation de missions jusque-là assurées par le gouvernement ne fait que se confirmer. Ces contrats, généralement d’une durée de trois à cinq ans, s’avèrent parfaitement alignés avec l’horizon de cinq à sept ans du capital-investissement.
Les fonds sont aussi attirés par un taux élevé de consolidation de l’industrie. Ce sont les regroupements de plusieurs petites ou moyennes entreprises qui créent des plateformes susceptibles de répondre aux grands appels d’offres des autorités américaines. Ces fusions augmentent aussi la capacité d’innovation des entreprises, un sujet déterminant pour les Etats-Unis qui n’ont pas l’intention de renoncer à leur suprématie, notamment dans leur conflit engagé avec la Chine.
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