L’arbitraire et le mépris des droits les plus élémentaires avaient rendez-vous à la Maison Blanche, lundi 14 avril. Le président des Etats-Unis y recevait avec chaleur son homologue du Salvador. Donald Trump devait bien cela à Nayib Bukele, qui a complaisamment ouvert ses prisons d’exception à des migrants présentés comme liés à des gangs et expulsés par les Etats-Unis. Ces expulsions ont été effectuées en application d’une loi datant de 1798, utilisée jusqu’à présent uniquement en temps de guerre.
La lutte contre l’immigration, à commencer par l’immigration illégale, a été l’un des moteurs de la réélection de Donald Trump. Ce dernier a été considérablement aidé par la lenteur du camp démocrate à prendre la mesure de l’exaspération des Américains en la matière. Alors que la guerre douanière du président républicain sape la confiance de ses concitoyens dans sa capacité à prendre les bonnes décisions s’agissant de l’économie, ce qui était jusqu’à présent son point fort, il peut se prévaloir en revanche de la baisse drastique des entrées illégales et des premières expulsions de sans-papiers poursuivis par la justice américaine. L’enjeu est considérable. Ce n’est donc pas un hasard si ce dossier a été l’occasion de vives frictions entre le pouvoir judiciaire et le pouvoir exécutif.
Car, pour Donald Trump, peu importent les moyens et les décisions des juges. Un ressortissant salvadorien présent légalement aux Etats-Unis, Kilmar Abrego Garcia, est le visage de cette volonté de soumettre le droit à une politique du chiffre. Arrêté brutalement le 15 mars dans le Maryland, alors que rien ne lui était reproché, et immédiatement transféré dans un centre pénitentiaire salvadorien en dépit d’une décision contraire d’un juge fédéral, il risque d’y croupir durablement. Sous la pression, les autorités américaines ont dû reconnaître une erreur, qu’elles se refusent pour autant à réparer.
Cynisme achevé
La plus haute instance judiciaire des Etats-Unis, la Cour suprême, a pourtant demandé à l’unanimité, le 10 avril, que l’administration américaine « facilite » le retour de Kilmar Abrego Garcia, prenant acte qu’il avait été « improprement » transféré au Salvador. Cette administration se défausse désormais sur la souveraineté salvadorienne, et Nayib Bukele, dans le bureau Ovale de la Maison Blanche, a assuré qu’il « n’a[vait] pas le pouvoir de le renvoyer aux Etats-Unis ».
Cette affirmation relève d’un cynisme achevé au regard du régime d’exception qui pèse sur ce petit pays d’Amérique centrale, imposé au nom de la lutte contre la violence dévastatrice qui l’a longtemps caractérisé. Adulé par une partie de la droite américaine et par de nombreux proches de Donald Trump, Nayib Bukele a obtenu des résultats incontestables contre le crime et il bénéficie d’une popularité qui lui a permis d’obtenir en 2024 un nouveau mandat théoriquement interdit par la Constitution. Le prix à payer est un pouvoir autoritaire échappant désormais à toute forme contrôle. C’est ce modèle qui a eu lundi les honneurs de la Maison Blanche.
Le cas de Kilmar Abrego Garcia montre que l’administration de Donald Trump veut expulser sans la moindre procédure régulière et sans avoir à répondre des conséquences. Il s’agit d’une remise en question délibérée et inquiétante de l’Etat de droit sur lequel les Etats-Unis ont été fondés.