Quelque 2,5 millions de formulaires de candidature, sur une période de plusieurs dizaines d’années, ainsi qu’une très grande quantité de données financières, ont été dérobés à l’université Columbia, à New York, lors d’un piratage informatique. Ce dernier a été découvert le 26 juin, lorsqu’une photographie de Donald Trump s’est affichée sur de très nombreux ordinateurs du campus. L’enquête interne est parvenue à la conclusion que l’opération était « hautement sophistiquée et ciblée » et visait explicitement à dérober les données personnelles d’étudiants dans « un but politique ».
Ce dernier point ne fait guère de doute : le pirate a affirmé à l’agence Bloomberg avoir spécifiquement cherché des preuves que Columbia continuait à appliquer des critères de discrimination positive dans ses recrutements – la pratique, très critiquée par les républicains américains, a été rendue techniquement illégale par la Cour suprême en 2023. L’université Columbia est une cible récurrente de l’administration Trump, qui a suspendu 400 millions de dollars de fonds fédéraux qui lui étaient précédemment alloués, affirmant qu’elle n’avait pas assez agi pour protéger ses étudiants juifs lors des importantes mobilisations de soutien à Gaza qui ont eu lieu sur le campus.
Polémique politique à New York
Le ou les auteurs du vol de données n’ont, semble-t-il, trouvé aucune preuve de pratiques de recrutement illégales par l’université. Mais, au début du mois de juillet, plusieurs médias ont reçu des documents issus du piratage, et notamment le dossier rempli en 2009 par Zohran Mamdani, candidat investi cet été par le Parti démocrate pour l’élection municipale de novembre prochain, à New York.
Révélé initialement par le New York Times, le document montre que M. Mamdani, né en Ouganda de parents originaire d’Inde, s’était décrit à la fois comme « asiatique » et « afro-américain », alors qu’il n’est pas noir. A l’époque de sa candidature, les dossiers d’étudiants afro-américains pouvaient bénéficier des politiques de discrimination positive en place. Auprès du New York Times, M. Mamdani a nié avoir cherché à bénéficier d’un avantage particulier, mais a affirmé avoir cherché à refléter la complexité de ses origines dans un système basique de cases à cocher. Il n’a pas été pris à Columbia.
Une partie de la gauche et de la presse américaines a vivement critiqué l’article du New York Times, estimant que le quotidien de référence accordait trop d’importance à ce dossier, et surtout en notant que la source des documents aurait dû conduire le journal à davantage de prudence. Le dossier d’admission de M. Mamdani a en effet été fourni au quotidien par un activiste d’extrême droite défendant des positions ultranatalistes et la théorie discréditée d’un lien entre l’intelligence et l’origine ethnique. Identifié par le Guardian comme étant Jordan Lesker, il est plus connu en ligne sous le pseudonyme de « Crémieux », avec lequel il a interagi à plusieurs reprises avec Elon Musk.
« Crémieux » n’a pas détaillé comment il avait acquis les documents transmis au New York Times. Sans invalider la piste d’un piratage mené par un hacker américain, on peut noter que des pirates étatiques ont tenté, par le passé, de « blanchir » des documents dérobés par des services de renseignement en les transmettant à un intermédiaire. En 2016, par exemple, les e-mails volés par les services russes au Comité national démocrate (DNC) avaient été remis à Wikileaks. L’entreprise de cybersécurité CrowdStrike, qui avait mené les investigations sur le piratage du DNC, participe à l’enquête en cours sur le piratage de Columbia.