Sauvetage in extremis d’un perdant magnifique au Théâtre du Rond-Point, à Paris. Comment le miracle a-t-il lieu ? Inutile d’en dire trop. Ce serait priver le public du trouble qui l’attend à l’issue d’Article 353 du code pénal, roman de Tanguy Viel (Minuit, 2017) qu’adapte et met en scène avec intelligence Emmanuel Noblet. Ce spectacle saisissant convoque, à peine terminé, l’envie de le revoir. Pourquoi ? Parce que si le récit de l’écrivain répare les blessures que la fatalité n’a cessé d’infliger à un homme, cette réparation, aussi jouissive soit-elle, pose problème tant elle repose sur l’arbitraire.
L’histoire est d’une simplicité trompeuse : Martial Kermeur a tué Antoine Lazenec. Il s’en explique devant un juge. Long déroulé d’une existence écrite à l’encre d’une malchance obstinée, une déveine si têtue qu’elle en devient ontologique. Père élevant seul son enfant, socialiste et chômeur, locataire d’une bicoque sur une île superbe située en rade de Brest, Martial Kermeur ne fait de mal à personne. Mais le malheur, d’où qu’il vienne, semble avoir décidé de lui coller à la peau. C’est ainsi qu’il oublie de jouer sa grille de loto la semaine où sortent ses numéros. Ainsi que sa femme le quitte. Ainsi qu’il se fie à un promoteur immobilier véreux qui lui extorque ses indemnités de licenciement pour l’achat d’un appartement resté à l’état de mirage. Ainsi que le fils, qui a voulu venger le père, croupit dans une prison.
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