Lorsqu’ils se sont rencontrés pour la première fois, à Marseille, Lamine Diagne et Raymond Dikoumé ont rapidement compris que, malgré leurs différences de parcours, ils appartenaient à une seule et même grande famille, celle des enfants nés en France de parents venus d’ailleurs : le Cameroun pour ceux de Raymond Dikoumé, le Sénégal pour le père de Lamine Diagne (sa mère est française).
Et c’est précisément ce terme de « famille » qui apparaît, dès le début de leur création commune, Françé, dans une sorte de préambule projeté sur un écran et dit en voix off : « Dans cette histoire, il y a de la place pour tout le monde, tous les humains, mais on va s’intéresser à une famille en particulier : notre petite famille française. Et comme dans toutes les familles, il y a des secrets, des choses que nos parents et nos grands-parents ont vécues. Il va falloir descendre à la cave, fouiller les cartons, déballer nos héritages… »
Et des cartons, il y en a plein, de toutes les tailles, qui jonchent le plateau au moment où les comédiens font leur entrée sur scène. Ils symbolisent avant tout cette cave d’immeuble où le duo est censé descendre, à l’origine pour chercher une bouteille de vin à partager entre amis. Mais de ces cartons va jaillir toute une série d’objets du passé qui vont les obliger l’un comme l’autre à affronter leurs souvenirs d’enfance et à déballer leurs histoires intimes, toujours en équilibre entre fiction et réalité (un avertissement au début du spectacle explique que certains des récits relatés sont vrais, d’autres faux).
Des cartons comme écrans
Pour Raymond Dikoumé, c’est d’abord un casque colonial puis un crâne qui va lui permettre d’évoquer les membres de sa famille restés au Cameroun, notamment un oncle employé à la régie des transports camerounaise, et de se reconnecter aux rituels pratiqués par ses ancêtres autour de la mort. Pour Lamine Diagne, ce sont, entre autres, un chandelier en or, vestige de l’héritage familial de sa mère qu’elle a vendu pour un euro – elle ne voulait rien devoir à son propre père qui s’était enrichi grâce à l’exploitation des colonies françaises – et des lettres de son père qui retracent son parcours d’immigré venu du Sénégal, tombé amoureux d’une fille de bonne famille et mort dans des circonstances tragiques au Congo. Raymond Dikoumé comme Lamine Diagne entretiennent un rapport complexe avec ces pays, le Cameroun et le Sénégal, qu’ils ne connaissent que très peu, car ils n’y sont pas nés et n’y ont pas grandi (le premier a vu le jour à Paris, le second, à Lyon).
Il vous reste 35.39% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.