Au matin du 10 février, je franchis les portes de la résidence Sainte-Marthe où, souffrant, le pape François préfère recevoir ses invités du jour. J’ai le privilège d’être reçu pour la deuxième fois par le Saint-Père. Marqué par la fatigue, il n’a rien perdu de son aura. Ni de son regard qui, avant les mots, saisit en profondeur ses interlocuteurs et navigue en eux, au-delà de leurs propres attentes.
Je suis accompagné de membres du Conseil de coordination européen Ammale (Alliance des mosquées, associations et leaders musulmans en Europe), une nouvelle instance créée à mon initiative pour réunir les représentants musulmans de plus de 20 pays du continent. Nous venons humblement lui soumettre l’idée d’une rencontre annuelle pour la fraternité des chrétiens et des musulmans d’Europe, que nous proposons d’organiser à Paris en 2025 sous l’égide de saint Augustin, figure de convergence entre les terres d’Orient et d’Occident, dans l’esprit des rencontres interreligieuses d’Assise (Italie) initiées en 1986.
Le pape écoute attentivement, accueille la proposition avec gravité, bienveillance et enthousiasme. Il comprend immédiatement la portée d’un tel événement et charge le dicastère pour le dialogue interreligieux de s’emparer du projet. Que le pape François se soit montré favorable à une telle proposition n’étonnera pas ceux qui ont suivi de près sa pensée et ses engagements. Avec lui, l’Eglise catholique a réinvesti l’amour du prochain. Il a appelé sans relâche à l’aide aux plus vulnérables, à l’expression de la foi dans l’humanisme, à la sauvegarde de notre maison mère. Et au dialogue des religions.
Coexistence fraternelle
En 1965, l’Eglise catholique redéfinissait la tolérance entre les croyants. La déclaration Nostra Aetate du concile Vatican II discernait alors un monde « où le genre humain devient de jour en jour plus étroitement uni ». Cette aspiration est devenue tradition et, un demi-siècle plus tard, François lui a donné un souffle nouveau. En 2020, son encyclique Fratelli tutti a transformé l’idéal de « nous sommes tous frères » en exigence spirituelle et morale. La fraternité des croyants en Dieu, et de tous les hommes, leur offre une chance de se reconnaître membre d’une même famille de foi et de valeurs profondes. Cette chance, fragile, précieuse, doit être saisie à la moindre occasion.
Il vous reste 60.92% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.