Nastia porte des chaussons « Realise I can fly » sous son jogging noir et ses cheveux roses. Elle pose poliment son tricot sur son fauteuil (une guirlande de laine qu’elle tisse sans aiguilles, elles sont interdites) pour ouvrir les pages de son carnet de peintures et de croquis. Sur l’une d’elles, l’esquisse d’un visage couvert de cafards, presque une libre illustration de La Métamorphose, de Kafka ; sur une autre, une fille flotte dans les airs comme dans les aquarelles de Folon, mais avec une jambe sciée en deux. « Mes hallucinations », explique la patiente de 22 ans dans le hall qui sert de salle de loisirs, au troisième étage du centre hospitalier numéro 3 de Kharkiv, l’hôpital psychiatrique de la ville, une institution séculaire.
Pour s’y rendre, prendre comme repère la tour Eiffel. Enfin, la tour Eiffel de Kharkiv, cette réplique qui trône dans l’est de la deuxième cité d’Ukraine, au cœur du bassin ferrugineux d’où l’on avait fait venir, avant l’Exposition universelle française de 1889, le métal du monument parisien. Là, au fond d’un parc et à proximité de quelques pavillons à l’abandon, se trouve une solide bâtisse qui fut l’un des plus grands asiles de l’Empire russe, puis de l’Union soviétique. Deux cent cinquante personnes y veillent aujourd’hui sur 1 200 patients, des civils, le tout à 30 kilomètres à vol de frappes de la frontière.
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