L’AVIS DU « MONDE » – À NE PAS MANQUER
David Cronenberg – qui a donné corps comme personne au cinéma au concept freudien de l’« inquiétante étrangeté » (si l’on s’en tient à la traduction de Marie Bonaparte du terme Unheimlich) – a perdu sa femme, Carolyn Zeifman, en 2017, morte des suites d’une maladie qui ne fut pas révélée au grand public. Cinq ans plus tard, il signait Les Crimes du futur, dans lequel un artiste performeur, sorte d’égotiste macabre et, supposait-on, double ironique du cinéaste, donnait à voir au public l’exérèse de ses tumeurs récidivantes, avec le concours d’une partenaire chirurgienne exemplaire et marmoréenne.
Bel hommage, dans son style même, de l’artiste torturé à sa femme et collaboratrice. Huit ans plus tard, avec Les Linceuls, le cinéaste des frontières insoupçonnées aborde frontalement, à 82 ans, la question de la solitude et du deuil. Soit une occasion nouvelle de se persuader que l’œuvre cronenbergienne n’est pas seulement une mise en forme, tantôt émerveillée, tantôt effroyable, des mutations techno-anthropologiques du monde contemporain, mais aussi, à proprement parler, un journal intime dans lequel ses angoisses les plus lointaines et les plus profondes se transfigurent en art.
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