Un bras salement tailladé et tenu en écharpe par une ceinture, l’homme s’apprête à entrer aux urgences du centre hospitalier de Mayotte (CHM), à Mamoudzou, le chef-lieu du département. Mais il a un mouvement de recul. Le service est si calme, si vide qu’il en paraît inquiétant. Dans la salle d’accueil silencieuse, trois ou quatre hommes attendent les yeux mi-clos, une mère tient son enfant dans les bras. D’habitude, impossible de trouver une place assise, il arrive qu’on doive attendre deux jours avant d’être pris en charge.
La situation avait encore empiré après le passage du cyclone Chido, le 14 décembre. Dans l’hôpital, dévasté lui-même par le vent et les pluies, il y avait des blessés couchés au sol, des cris, des pleurs, des fausses couches. Une tente avait été dressée à l’extérieur pour tenter de parer au plus pressé. Samedi 28 décembre, il ne reste à l’intérieur que quelques bouteilles en plastique cabossées.
Aussitôt, l’homme au bras tailladé s’alarme, il se dit qu’il doit y avoir une opération de police en cours pour contrôler les sans-papiers, comme cela arrive régulièrement aux portes des urgences, vidant la salle d’attente. Lui-même est en situation illégale, comme la moitié des 450 000 habitants de l’île, selon les estimations. Il doit fuir, vite. Coup d’œil à droite, coup d’œil à gauche, mais pas un uniforme ne se profile pourtant à l’horizon, seulement un infirmier en pause, qui mange paisiblement un petit pain.
« On s’était dit que ça ne marcherait pas »
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