On ne sait pas ce que Sébastien Kheroufi murmure à l’oreille de ses comédiens lorsqu’il les prend à part pour évoquer, avec eux, la scène qu’ils viennent de répéter. Agenouillé en bord de plateau, il regarde à peine ce qu’il se passe sous ses yeux. Sa main ondule, ses doigts claquent. Il écoute. « Je ne dirige qu’à l’oreille. Une fois que la phrase sonne juste, je peux observer les acteurs », confie le metteur en scène de 32 ans dont le spectacle, Par les villages, est programmé dans le cadre du Festival d’Automne au Centre Pompidou à Paris, puis, en janvier, au Théâtre des Quartiers d’Ivry (Val-de-Marne).
Découvert en 2023 avec une première mise en scène rugueuse et déterminée de l’Antigone, de Sophocle, cet artiste franco-algérien n’a pas de temps à perdre. « Si je me plante, je foire ma vie. » Il se tait, puis insiste : « C’est vrai ! » Né dans les quartiers populaires des Hauts-de- Seine, Sébastien Kheroufi est élevé par sa mère. L’un de ses frères est incarcéré, l’autre abandonne le foyer familial. A 17 ans, le jeune homme retrouve son père mort dans un foyer Emmaüs : « Cette vision a tué l’enfant en moi. » Il frôle de près la délinquance : l’argent facile et l’état d’urgence permanent. Miracle des rencontres et des confiances accordées, une échappée belle s’offre à lui. Il ne laisse pas s’enfuir la chance. Un « grand de la cité » l’héberge à Londres, il y découvre le cinéma et, faute de parler l’anglais, se raccroche « aux lumières, à la musique, à la carrosserie des films ». Retour en France.
Il vous reste 71.19% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.