Emmanuel Macron a lancé, mardi 27 août, de nouvelles consultations pour trouver un premier ministre, sans le Nouveau Front populaire (NFP), le Rassemblement national (RN), ni le président du groupe A droite ! à l’Assemblée nationale, Eric Ciotti, après avoir écarté, la veille, l’option Lucie Castets (NFP) pour Matignon.
La France se trouve-t-elle plongée dans une crise politique ou dans une crise institutionnelle ? Benjamin Morel, politiste et constitutionnaliste, maître de conférences à l’université Paris-Panthéon-Assas, répond aux questions du Monde.
Emmanuel Macron se réfère à l’article 5 de la Constitution pour refuser de nommer Lucie Castets à Matignon, invoquant la nécessité de garantir la « stabilité institutionnelle » dont il doit être le garant. A-t-il raison ?
Il n’a pas raison, il n’a pas tort non plus. L’article 5 est rédigé de manière extrêmement floue. Il définit les grandes orientations du rôle du président de la République, mais ne confère pas de pouvoir, de compétence ou de rôle particulier quant à la nomination d’un gouvernement.
La « stabilité institutionnelle » est davantage un argument politique qu’une contrainte juridique. On parle beaucoup de « l’esprit de la Constitution », c’est une expression que je trouve un peu idiote. On fait du droit ou l’on fait de la politique, mais on ne fait pas du spiritisme. Michel Debré était le premier étonné de ce que l’on avait fait de son texte.
La Constitution dit simplement que le président de la République nomme qui il veut et, qu’une fois qu’il a nommé quelqu’un, c’est à l’Assemblée nationale de lui dire qu’il a eu tort en votant une motion de censure. Nommer Lucie Castets n’est pas du tout une obligation, et il est vrai qu’elle serait probablement renversée dans les quarante-huit heures. Ce n’est pas non plus une interdiction.
La gauche crie au déni de démocratie…
On confond, depuis quelques semaines ou quelques mois, les notions de majorité relative et de gouvernement minoritaire. Celle qui est intéressante, du point de vue constitutionnel, c’est la seconde : un gouvernement qui n’a pas de majorité, certes, mais qui n’a pas non plus de majorité pour le renverser.
C’est la situation de 2022 à 2024, où les députés du parti Les Républicains (LR) n’ont pas renversé la majorité macroniste. C’est également le cas de 1988 à 1993, où les centristes et les communistes, alternativement ou ensemble, n’ont pas voté de motion de censure contre les gouvernements socialistes. Un gouvernement Castets ne peut pas tenir, car, a priori, il aurait une majorité pour le renverser. Donc, il n’y a pas de déni de démocratie.
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