Ce sont des gènes de variétés sauvages utilisés pour rendre des pommes de terre résistantes au mildiou, ou des séquences de protéines du mollusque Conus regius récupérées pour étudier la prévention des douleurs induites par la chimiothérapie anticancéreuse. Un très grand nombre de génomes de plantes ou d’animaux sont aujourd’hui numérisés et stockés dans d’immenses bases de données.
Ces informations peuvent être employées dans le domaine des médicaments, des cosmétiques ou des semences, mais aussi pour la recherche, avec des applications en matière de conservation, par exemple pour étudier l’évolution et la diversité génétique d’une population ou suivre l’avancée d’une espèce invasive. Mais comment s’assurer que ceux qui utilisent ces données, après les avoir récupérées librement depuis leurs ordinateurs, versent une contrepartie pour cet usage ?
A côté des discussions sur la mise en œuvre de l’accord de Kunming-Montréal, adopté il y a deux ans pour mettre un terme à la destruction de la nature, ce dossier est l’un des principaux enjeux des négociations de la 16e Conférence mondiale sur la biodiversité (COP16), qui réunit les représentants de deux cents pays à Cali, en Colombie, jusqu’au 1er novembre. Il porte un nom à faire fuir même les négociateurs les plus chevronnés : le partage des avantages découlant de l’utilisation de l’information de séquençage numérique sur les ressources génétiques – résumé par le sigle « DSI », pour digital sequence information, une expression qui n’a toujours pas de définition officielle.
Consentement préalable
Lors de la COP15 de Montréal (Canada), en décembre 2022, les Etats ont réussi à s’entendre sur le principe d’un mécanisme multilatéral de partage des bénéfices issus des DSI, associé à un fonds. A Cali, ils vont devoir rendre ce cadre opérationnel. « Ces négociations sont à l’aube d’une potentielle percée lors de la COP16. Nous avons fait suffisamment de progrès pour être optimistes à ce propos », assurait en août Astrid Schomaker, la secrétaire exécutive de la Convention sur la diversité biologique (CDB) des Nations unies.
« Cela va être un sujet de blocage car il y a de l’argent derrière, des pays veulent faire marche arrière sur certains points », estime de son côté Martine Hossaert, directrice de recherche au CNRS, qui suit ces discussions.
Un échec sur ce dossier du DSI entacherait le bilan global de la COP. Un accord, au contraire, marquerait l’aboutissement de très longues années de négociations. Le partage juste et équitable des avantages tirés de l’exploitation des ressources génétiques est l’un des trois objectifs de la CDB, créée en 1992. En 2010, le protocole de Nagoya est adopté lors de la COP10, au Japon : cet accord contraignant prévoit que le pays utilisateur d’une ressource génétique obtienne le consentement préalable du fournisseur, et qu’un contrat bilatéral soit établi pour déterminer quel usage pourra en être fait et pour quelle contrepartie (monétaire ou non).
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