Bordeaux enregistre une hausse fulgurante des liquidations judiciaires dans le centre-ville historique.
La plus célèbre rue commerçante de la ville a perdu trois millions de visiteurs l’an dernier.
Pour quelles raisons ? Réponse dans cette enquête du 20 H de TF1.
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Le 20H
La devanture de cette boutique de donuts est toujours rose bonbon, mais l’odeur du sucre s’est évaporée. « C’est mon ancienne boutique qui a fermé depuis le mois de juillet. Il y avait un comptoir à donuts qui était juste ici et le comptoir avec la caisse », montre Antoine Yaïch, ancien gérant de l’établissement Litte Goudhut à Bordeaux (Gironde). Antoine a dû mettre la clé sous la porte. La faute, selon lui, à la désertification du centre-ville : « Les gens préfèrent rester soit chez eux, soit commander sur Internet également ou aller dans les centres commerciaux. Un samedi, on dégageait 3000 euros de recette. Et les derniers samedis, on tournait plutôt autour de 500 euros. C’est un peu dur, on a l’impression de ramer, mais de ramer dans le vide. »
À quelques pas, ce chocolatier chiffre sa dette à 30.000 euros. L’inflation, la hausse des charges et du prix du cacao ont fait fondre sa trésorerie. « J’ai dû cet été réinjecter de l’argent dans ma société. Sinon, j’étais en cessation de paiement. Je bosse six jours sur sept. Ça fait cinq ans que je n’ai pas pris de vacances parce qu’il faut que je puisse rembourser. C’est une frustration parce que j’adore ce que je fais. Mais voilà, il y a une réalité économique », s’inquiète Olivier Garcia, gérant de la boutiuqe Chcolatier récoltant Yves Thuriès.
Quand on ne trouvait pas une place pile en face du commerce dans lequel on avait l’intention de se rendre, c’était une mauvaise journée.
Quand on ne trouvait pas une place pile en face du commerce dans lequel on avait l’intention de se rendre, c’était une mauvaise journée.
Un habitant bordelais
À Bordeaux, les boutiques désertes font partie du paysage. Un commerce sur dix est vacant et le nombre de dépôts de bilan explose. Plus 36% par rapport à l’an passé. « Ce sont des boutiques qui ne retrouvent pas de repreneurs alors qu’elles sont vides depuis plusieurs mois déjà« , confirme Georges Simon, président de l’association des commerçants et artisans « Bordeaux mon commerce ».
Plusieurs commerçants accusent la mairie d’aller trop loin dans la piétonisation du centre-ville. Exemple ici, de nombreuses places de stationnement se sont effacées au profit de la végétation et du vélo. La ville de Bordeaux s’est même classée, cette année, première ville piétonne de France. Mais les Bordelais peinent à lâcher la voiture pour se rendre dans les commerces. « Les rues piétonnes, c’est chouette pour les piétons, mais quand on n’habite pas sur place, on ne peut pas y accéder », confie un passant. Un habitant souvient de l’attractivité du centre-ville avant la piétonisation : « J’ai connu l’époque où on venait rue Sainte-Catherine en voiture. Et puis, quand on ne trouvait pas une place pile en face du commerce dans lequel on avait l’intention de se rendre, c’était une mauvaise journée. »
Moins de consommateurs en centre-ville et plus de chefs d’entreprise à jeter l’éponge. Le tribunal de commerce les voit défiler pour acter la liquidation judiciaire. Venir ici est un tabou. La sensation de se retrouver sur le banc des accusés. « On se sent mauvais parce qu’on se dit, on ne réussit pas parce que c’est nous qui ne sommes pas bons. Du coup, on a beaucoup d’hésitation, on a beaucoup de peur. Et puis, quitter une activité pour retrouver quoi ? Surtout dans la période actuelle, on ne sait pas trop ce qui peut nous tomber dessus, ce qu’on peut trouver comme travail », souligne dans la vidéo du 20 H de TF1 en tête de cet article David Chétif, chef d’entreprise bordelais.
Pour le président du tribunal, Marc Salaün, il faudrait presque pousser les murs. « On est obligé d’utiliser nos deux salles d’audience », pointe-t-il. Cette année marque un triste record du nombre de procédures. « On ne se lève pas le matin quand on vient au tribunal pour liquider une entreprise. On vient pour essayer de la mettre sous protection. On peut vous aider à réparer le moteur de l’entreprise. Si vous arrivez trop tard, un moteur même réparé ne démarrera pas sans essence, donc sans trésorerie. Et c’est ce qui se passe trop souvent », poursuit-il. Pour sauver les entreprises en difficulté, le tribunal de commerce invite à se signaler au moindre signe de faiblesse.