Mounir Boutaa comparaît à partir de lundi devant la cour d’assises de la Gironde.
Il est accusé d’avoir exécuté son ex-femme en lui tirant dans les jambes, avant de l’immoler sur le trottoir devant chez elle.
Retour sur cette histoire bouleversante.
« Je voulais la cramer » : l’ex-mari de Chahinez Daoud, brûlée vive en 2021 à Mérignac dans la rue où elle habitait après avoir été blessée par balles, est jugé pour assassinat par la cour d’assises de la Gironde à partir de lundi. Aujourd’hui âgé de 48 ans, Mounir Boutaa était sorti de prison fin 2020, suite à une condamnation pour violences conjugales, strangulation et menaces avec un couteau.
Une plainte mal enregistrée par la police
L’ouvrier maçon avait interdiction d’entrer en contact avec son épouse, qu’il avait connue en Algérie en 2015, mais leur vie commune avait repris jusqu’à de nouvelles violences en mars 2021. Chahinez Daoud, femme de 31 ans et mère de trois enfants – dont deux issus d’une première union – avait déposé une plainte, mais celle-ci a mal été enregistrée par la police. Elle ne disposait pas de téléphone grave danger, et son conjoint ne s’était pas vu attribuer de bracelet anti-rapprochement à sa remise en liberté.
Durant les deux mois suivants, « il y a eu une traque, un harcèlement, une surveillance quasi quotidienne », relate l’avocat des parties civiles, Me Julien Plouton. Des déclarations qui interviennent avant l’ouverture d’un procès qui doit s’achever le 28 mars à Bordeaux. « Quelques jours avant le passage à l’acte, il y a une accalmie. Elle ne le voit plus, elle recommence à sourire, selon ses voisins. C’est le calme avant la tempête et ce déchaînement de violences inhumain », poursuit-il.
Le corps de la victime presque entièrement carbonisé
Le 4 mai 2021, l’accusé s’est garé près du domicile familial. Un véhicule qu’il a aménagé avec des cartons et des rideaux pour observer discrètement l’extérieur. Il y passe la journée à scruter les allées et venues de sa femme, avant de s’en prendre à elle. Il lui tire dans les cuisses avec un fusil, l’asperge d’essence et met le feu. Une partie des faits est filmée avec son téléphone. Un voisin ayant entendu hurler tente de s’interposer, puis d’éteindre les flammes avec une autre témoin, en vain. Le corps de la victime est retrouvé presque entièrement carbonisé, la tête dans le caniveau.
Pour Me Plouton, Mounir Boutaa, jugé pour assassinat, a eu « la volonté non seulement de tuer quelqu’un » mais aussi « de tuer une femme, de l’effacer, de l’annihiler, de la châtier ». L’homme est rapidement arrêté et affirme d’emblée au cours de sa garde à vue qu’il voulait « la cramer », « pour tout le mal qu’elle et la justice (lui) ont fait » en le faisant condamner, à tort selon lui. Il ajoute également avoir voulu « la punir », « lui laisser des traces » en la brûlant « un peu », « lui faire la peur de sa vie ». Il nie toutefois avoir voulu la tuer, sans quoi « il lui aurait explosé le cerveau » en tirant.
La volonté de tuer une femme, de l’effacer, de l’annihiler, de la châtier
La volonté de tuer une femme, de l’effacer, de l’annihiler, de la châtier
Me Julien Plouton
« Ce qu’il conteste principalement, c’est la préméditation de son acte », ont déclaré ses avocates, Me Anaïs Divot et Me Elena Badescu. Toutes deux notent également que « les trois experts psychiatres qui ont expertisé M. Boutaa retiennent une altération de son discernement au moment des faits ».
Une inspection diligentée sur les conditions de remise en liberté et le suivi de l’ex-mari a relevé une série de « défaillances », tandis qu’une enquête de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) pointait fautes et erreurs d’appréciation. Suite à ce féminicide, cinq fonctionnaires ont été sanctionnés, dont le directeur de la police en Gironde et le commissaire de Mérignac en fonction à l’époque. Les deux responsables avaient omis d’informer leur hiérarchie et la mission d’inspection que le policier ayant mal enregistré la plainte de la victime, le 15 mars 2021, venait lui-même d’être condamné pour violences conjugales – il a été radié. Parallèlement à la procédure pénale, la famille a lancé une requête en indemnisation pour « faute lourde » contre l’État.