Selon les termes de l’article 20 de la Constitution, « le gouvernement détermine et conduit la politique de la nation ». Il semble que cette disposition concerne de moins en moins le gouvernement hétéroclite de François Bayrou. Depuis son installation, un curieux retournement s’opère. Alors que l’on attend normalement d’un gouvernement qu’il imprime sa marque et sa politique en déposant des projets de lois, ceux-ci sont devenus une espèce en voie de disparition.
Depuis décembre 2024, les seuls projets de loi lancés par ce gouvernement concernent le budget, la situation à Mayotte ou un texte technique créant « un établissement public du commerce et de l’industrie de Corse ». Il est vrai que la configuration politique à l’Assemblée nationale n’invite pas le gouvernement à faire preuve de témérité : un paysage politique morcelé, une absence de majorité absolue et un « socle commun » entre la coalition présidentielle et les Républicains qui n’a de socle que le nom et en commun pas grand-chose.
C’est dans ce contexte atypique que prolifèrent au Sénat les propositions de loi de la majorité sénatoriale, bien souvent téléguidées par Bruno Retailleau. Ce dernier, dopé désormais par son élection à la tête du parti Les Républicains (LR), profite de la faiblesse du premier ministre. Le ministre de l’intérieur essaie de fixer la ligne politique et stratégique d’une droite ultraconservatrice. Il est secondé dans ses efforts par le groupe LR du Sénat, qui lui reste entièrement dévoué, appuyé par un groupe centriste qui le suit quasiment toujours sans broncher.
Une aubaine pour le gouvernement
Des parlementaires ne sauraient dénoncer l’une de leurs libertés essentielles, à savoir l’initiative de la loi. Mais il s’agit ici de dénoncer une atteinte à la séparation des pouvoirs, quand les propositions sont en réalité de « fausses » propositions de loi, qui cherchent à contourner la difficulté politique dans laquelle se trouve le gouvernement et permettent à un ministre, via la majorité sénatoriale, de mettre sous tension certes le gouvernement, mais plus largement notre Etat de droit, en proposant des mesures visant à l’affaiblir.
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