Le tournant de la rigueur est arrivé. Quatre décennies après le virage politique imposé à François Mitterrand par la détérioration des indicateurs économiques et les attaques contre la monnaie, la France semble en passe de connaître une inflexion voisine. Fini le « quoi qu’il en coûte » et les baisses d’impôts à tout va. Priorité au redressement des comptes publics, quitte à alourdir nettement la fiscalité et à tailler dans certaines dépenses. Tel est le mouvement qui se dessine à travers le budget pour 2025, présenté jeudi 10 octobre par le nouveau ministre de l’économie, Antoine Armand, et son collègue chargé du budget, Laurent Saint-Martin. Avec un cocktail de mesures estimé par le gouvernement à 2 % du produit intérieur brut (PIB) en un an, un niveau record, exactement comme en 1983.
Au programme : 8,5 milliards d’euros ponctionnés sur les grandes entreprises, 2 milliards sur les très hauts revenus, un gel pendant six mois des pensions versées aux retraités, 4 milliards de cotisations sociales supplémentaires, une taxe sur les rachats d’actions, un durcissement de l’écotaxe automobile, mais aussi un ralentissement des dépenses publiques. Et, peut-être, une première diminution du nombre de fonctionnaires d’Etat. Dans l’éducation nationale, 4 000 postes d’enseignants sont ciblés l’an prochain. Entre les créations dans certains secteurs et les suppressions dans d’autres, environ 2 200 postes seraient supprimés en 2025 au sein de l’Etat. L’ensemble de ces mesures doit permettre de reprendre le contrôle du déficit public, pour le ramener à 5 % du PIB en 2025, contre 6,1 % attendus en 2024. Dans un avis rendu jeudi, le Haut Conseil des finances publiques estime toutefois que cet objectif-clé présente un « risque élevé » de ne pas être atteint, le projet reposant sur de nombreuses hypothèses optimistes.
« Evidemment, ce sera difficile, reconnaît Antoine Armand, dont c’est le baptême du feu. Cela implique de bousculer nos pratiques. » La première difficulté sera de faire valider ce projet par le Parlement. Députés et sénateurs ont accepté que le gouvernement leur transmette son texte avec dix jours de retard sur le calendrier légal. Mais l’examen par l’Assemblée nationale, qui débute vendredi 11 octobre, s’annonce « cauchemardesque », anticipent certains au gouvernement.
Eric Coquerel, le président (La France insoumise) de la commission des finances à l’Assemblée, entend bien réécrire la copie « austéritaire » livrée par Michel Barnier, pour en sortir un budget « NFP [Nouveau Front populaire] compatible », avec « plus de justice fiscale et plus de recettes pour l’Etat ». La droite et plusieurs macronistes sont, eux, très remontés contre les hausses d’impôts. Surtout, l’absence de majorité absolue à l’Assemblée nationale rend très incertaine l’adoption du texte, amendé en profondeur ou non. Le nouveau premier ministre voudra-t-il passer en force, en utilisant l’article 49.3 de la Constitution qui permet de faire adopter un texte sans vote à l’Assemblée, comme l’ex-première ministre Elisabeth Borne l’avait fait à dix reprises il y a un an ? Préférera-t-il recourir à des ordonnances ?
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