Les drapeaux français de l’Assemblée nationale émergeaient difficilement de la marée de fanions bleus, floqués du logo du syndicat Alliance-Police nationale, mardi 4 février. Le droitier syndicat a rassemblé plusieurs milliers policiers devant le siège du pouvoir législatif, où le premier ministre, François Bayrou, engageait, lundi 3 février, la responsabilité de son gouvernement en invoquant l’article 49.3 pour faire adopter son projet de budget sans vote.
Un budget d’environ 24 milliards d’euros pour le ministère de l’intérieur qu’Alliance juge en inadéquation avec l’engagement demandé aux policiers, qui nécessiterait « plusieurs centaines de millions » supplémentaires, selon son secrétaire général, Fabien Vanhemelryck. Il avait averti Bruno Retailleau, le ministre de l’intérieur, un mois plus tôt que son syndicat serait dans la rue pour réclamer un budget adapté.
Avertissement tenu. Mardi, le leader syndical a réuni des adhérents devant l’Assemblée, sous le regard bienveillant du ministre de l’intérieur qui avait fait le déplacement, accompagné du préfet de police de Paris, Laurent Nunez, et du directeur général de la police nationale, Louis Laugier. « Cela montre bien que le ministre soutient ses policiers, et qu’Alliance a raison d’être ici aujourd’hui », s’est félicité le syndicaliste, depuis la scène montée pour l’occasion. Au cours d’un discours d’une dizaine de minutes, il s’est attaché à remercier le locataire de Beauvau à plusieurs reprises. « Le ministre de l’intérieur défend un budget considérable pour les policiers, mais ce n’est pas le seul à décider, s’est justifié le leader syndical après sa prise de parole. Derrière lui, il y a Bercy, le premier ministre, le président Macron, c’est plutôt eux qu’on alerte aujourd’hui. »
Sur le fond, le secrétaire d’Alliance critique un alignement du budget 2025 sur la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi) adoptée en 2023. Celle-ci fixait les orientations stratégiques et une planification financière pour Beauvau jusqu’en 2027, mais ne serait plus en adéquation avec les besoins actuels, selon le syndicat. « On ne va pas se contenter des engagements de la Lopmi de l’époque Darmanin [Gérald Darmanin, le précédent ministre de l’intérieur] où le signal politique n’était pas le même ; il y a eu un signal Darmanin, il y a maintenant un signal Retailleau, avec une situation du pays encore plus difficile », assure-t-il.
« La politique de l’inaction »
La foule de manifestants était composée, selon les organisateurs, de 5 000 policiers franciliens, et 3 000 « provinciaux ». « On ne peut pas demander plus aux fonctionnaires sans leur donner plus de moyens », résume Aurélien Charles, secrétaire départemental aveyronnais. « On n’a pas à se plaindre de nos salaires, encore que, mais il y a un besoin crucial d’effectifs, dans tous les services, partout, et notamment pour le judiciaire où rien ne va plus », affirme cet officier de police judiciaire, dans l’institution depuis près d’un quart de siècle.
Autres participants, plusieurs dizaines d’élus, essentiellement des députés du Rassemblement national, mais pas uniquement. Etaient également présents Eric Ciotti, député (Alpes-Maritimes) et président de l’Union des droites pour la république, ou Laurent Wauquiez, députe (Haute-Loire) et patron du groupe Les Républicains à l’Assemblée.
Quatre ans plus tôt, en 2021, une manifestation regroupant quatorze organisations représentatives de policiers avaient attiré des représentants de tout l’échiquier politique, y compris de gauche, tels l’écologiste Yannick Jadot et le socialiste Olivier Faure, pas présents cette fois. « Le problème de la police, c’est la justice », avait alors tonné Fabien Vanhemelryck, qui s’en est abstenu mardi. « Il y a une phrase que vous connaissez pas mal, mais je ne vais pas la citer, s’est-il amusé, avant d’en proposer des déclinaisons : Aujourd’hui le problème de la police, c’est que la rue brûle pendant que le politique discute, le problème de la police, c’est la politique de l’inaction, le problème de la police, c’est l’abandon budgétaire. »
Alliance réclame une loi de finance rectificative, pour revoir le budget de la police à la hausse. « On a été dans la rue plusieurs milliers aujourd’hui, on le sera demain s’il le faut, et s’il faut faire des actions sur le terrain, tout le monde saura qu’aujourd’hui Alliance Police Nationale c’est un fonctionnaire sur deux [chez les policiers], et on verra dans quelle situation sera le pays », a rappelé Fabien Vanhemelryck. Et de préciser : « Ce n’est pas une menace, c’est un rapport de force. »