À l’aube de la deuxième semaine du 78ᵉ Festival de Cannes, notre envoyé spécial fait le point sur la course à la Palme d’or.
Sur les onze films présentés jusqu’ici, certains ont surpris, et d’autres ont franchement déçu les attentes.
Difficile de dessiner un palmarès à ce stade, encore moins un candidat à la récompense suprême, mais on a essayé…
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Festival de Cannes 2025 : des films, des stars et de l’engagement
Nous voilà bientôt à mi-parcours de la compétition du 78ᵉ Festival de Cannes. Onze films sur les vingt-et-un en lice pour la Palme d’or ont été présentés jusque-là au jury présidé par la comédienne française Juliette Binoche. Certains nous ont enthousiasmé, d’autres moins. Et tant qu’ils restent frais dans notre mémoire, voilà ce qu’on peut en dire à ce stade…
« Sound of Falling »
De quoi ça parle ? Quatre filles, quatre époques différentes sur plus d’un siècle dans une ferme d’Allemagne pour raconter l’Histoire d’un pays et à travers elle l’évolution de la condition des femmes.
Ce qu’on en a pensé ? Précédé d’un buzz élogieux, le deuxième film de la jeune réalisatrice allemande Masha Schilinski avait la lourde tâche d’ouvrir la compétition. À cause d’une construction kaléidoscopique sans véritable fil conducteur, et dépit d’une impressionnante recherche visuelle et sonore, on a fini par décrocher devant ce drame austère comme un champ de patates abandonné.
« Deux Procureurs »
De quoi ça parle ? En 1937, durant les purges staliniennes, un jeune procureur de Moscou débarque à la prison de Briansk après avoir été alerté des conditions de détention par le courrier d’un prisonnier.
Ce qu’on en a pensé ? Le retour à la fiction du réalisateur ukrainien Sergueï Loznitsa a beau se dérouler en 1937, la modernité de son propos à travers et sa dénonciation de la propagande moscovite crève les yeux. Attention : le recours systématique aux plans fixes peut dérouter – ou reposer après un visionnage de Mission : Impossible 8. Captivant de bout en bout, Alexander Kouznetsov est un solide candidat au prix d’interprétation.
« Dossier 137 »
De quoi ça parle ? À l’hiver 2018, une enquêtrice de l’IGPN, la police des polices, est chargée d’éclaircir les circonstances qui ont conduit un jeune garçon à être grièvement blessé par un tir de flashball à la tête durant une manifestation du mouvement des Gilets jaunes, sur les Champs-Élysées.
Ce qu’on en a pensé ? Après La Nuit du 12, Dominik Moll explore une autre facette de l’institution policière en décortiquant une terrible bavure. C’est clinique, méthodique et implacable dans la forme, à défaut de soulever les pois. Mais en insufflant le trouble nécessaire à son personnage, la toujours excellente Léa Drucker candidate objectivement au prix d’interprétation.
« Sirat »
De quoi ça parle ? Dans le désert marocain, un père embarque son fils à la recherche de sa sœur aînée et croise la route d’une bande de marginaux qui enchaînent les rave parties sauvages au nez et à la barbe des autorités.
Ce qu’on en a pensé ? Pendant dix minutes, on a dodeliné dans notre fauteuil, épousant les rythmes de la techno qui envahissait la Salle Debussy et percutait les décors somptueux du film de l’Espagnol Oliver Laxe. Et puis on a vite décroché devant l’indigence d’un scénario qui ne mène nulle part et des performances d’acteurs indigentes, voire risibles, malgré toute la bonne volonté de ce brave Sergi Lopez.
« La Petite Dernière »
De quoi ça parle ? Fille d’immigrés algériens élevée en banlieue, Fatima entre à la face à Paris lorsqu’elle prend conscience de son attirance pour les filles et se retrouve tiraillée entre son orientation sexuelle et sa foi mulsumane.
Ce qu’on en a pensé ? L’adaptation du roman coup de poing de Fatima Daas pouvait être périlleuse dans la forme. Hafsia Herzi a choisi de l’affronter avec un mélange de naturalisme hérité de l’école Kechiche et une sensualité qui s’exprime à travers les regard et les non-dits. Elle prouve également qu’elle est une brillante directrice d’actrices en tirant le meilleur de sa jeune révélation, l’incandescente Nadia Melliti. Si on y ajoute le courage du projet dans la période actuelle, tout ça pourrait lui valoir un très gros prix.
« Eddington »
De quoi ça parle ? En 2020, alors que la pandémie de Covid-19 prend de l’ampleur, le shérif anti-masque d’une petite bourgade du Nouveau-Mexique décide de se présenter aux élections contre le maire sortant, quitte à recourir aux fake news et à la violence.
Ce qu’on en a pensé ? Coqueluche du jeune cinéma indépendant américain qui résiste encore aux plateformes de streaming, Ari Aster promettait la grande satire au vitriol de l’Amérique complotiste ? On ressort perplexe de ce film hybride, trop long et mal dialogué qui s’achève dans un bain de sang gratuit, sinon grotesque. N’est pas les frères Coen qui veut ! Heureusement qu’il y a Joaquin Phoenix, jamais aussi heureux que lorsqu’il doit jouer au zinzin !
« Renoir »
De quoi ça parle ? Durant l’été 1987, une fillette excentrique de 11 ans s’évade dans son imaginaire lorsque son père est hospitalisé, atteint d’un cancer incurable, tandis que sa mère dissimule son chagrin dans le travail.
Ce qu’on en a pensé ? Des esprits chagrins nous ont expliqué que c’était « un film japonais de plus ». Si le vénérable Hirokazu Kore-Eda a déjà chroniqué le passage de l’enfance à l’âge adulte avec brio par le passé, sa jeune compatriote Chie Hayakawa insuffle au portrait de son héroïne un je-ne-sais quoi de noirceur mélancolique qui vous hante longtemps après la projection. Un prix de la mise en scène ou du jury ne serait pas de refus.
« Nouvelle Vague »
De quoi ça parle ? En 1959, alors que François Truffaut vient de triompher avec Les Quatre Cent Coups, Jean-Luc Godard décide de passer à la réalisation avec À bout de souffle, un film qui va révolutionner l’Histoire du cinéma.
Ce qu’on en a pensé ? C’est la divine surprise de cette première semaine ! En reconstituant le Paris de l’époque dans un style vintage emprunté au maître suisse, le réalisateur américain Richard Linklater signe un amour de comédie à la fois drôle, enlevée et intelligente. Et une véritable madeleine de Proust pour les nombreux cinéphiles ici sur la Croisette. Pourquoi pas le Grand Prix du jury ?
« Die, My Love »
De quoi ça parle ? Après avoir quitté New York pour une maison paumée du Montana, une jeune femme donne naissance à son premier enfant et sombre dans une dépression post-partum qui va tout emporter sur son passage.
Ce qu’on pense ? À Cannes, certains cinéastes visent le silence et l’épure. Lynne Ramsay emploie une tonne de filtres et une BO assourdissante pour traduire la détresse mentale de son héroïne. Qu’on aime ou pas, ça empêche au moins de s’endormir ! Dans le même esprit ; on peut estimer que Jennifer Lawrence en fait des caisses… Ou bien qu’elle vient de livrer la performance de sa vie. Juliette Binoche et les acteurs au sein du jury auront sans doute le dernier.
« L’Agent Secret »
De quoi ça parle ? À Recife, en 1977, un homme au passé douloureux débarque en plein carnaval sous une fausse identité et tente de renouer avec jeune fils sans savoir qu’il a deux tueurs à gages à ses basques.
Ce qu’on en a pensé ? Le réalisateur brésilien Kleber Mendonça Filho s’était déjà essayé au genre avec Bacurau, une fable rétrofuturiste qui tirait sur le gore. Son nouveau film lorgne sur le film noir et le thriller politique, avec une touche de fantastique kitsch, mais manque de colonne vertébrale pour qu’on supporte les 2h37 sans bâiller. Dommage pour Wagner Moura qui est impeccable de bout en bout.
« The Phoenician Scheme »
De quoi ça parle ? Lorsqu’il réchappe par miracle à une tentative d’assassinat à bord de son avion privé, l’homme d’affaires Zsa-zsa Korda décide de mettre de l’ordre dans sa succession en se rapprochant de Liesel, sa fille unique entrée dans les ordres, et de mettre en place une géniale combine qui la mettra à l’abri du besoin.
Ce qu’on en a pensé ? Depuis qu’il a connu son apogée commercial avec The Grand Budapest Hotel, le cinéma de Wes Anderson a tendance à privilégier la recherche formelle à l’émotion pure. Ce nouvel opus est un entre deux, resserré autour du génial personnage interprété par un Benicio del Toro irrésistible, et de la jeune Mia Threapleton qui vole la vedette à toutes les stars qui se bousculent au portillon. Dommage que certains dialogues soient si abscons !
