Les tensions géopolitiques traversent les négociations multilatérales sur l’environnement et semblent bloquer tout accord, alors que la protection des biens publics mondiaux comme le climat devrait être un cas archétypique de coopération puisque l’avenir de tous est en jeu. C’est cet indispensable esprit de coopération qu’avait démontré la communauté internationale avec l’accord de Paris, en 2015, il y a bientôt dix ans. Peut-on le retrouver malgré les conflits actuels, et sortir d’un jeu délétère de postures Nord-Sud ? Certains signaux montrent que le jeu pourrait s’ouvrir à nouveau.
Premier constat, il serait vain de chercher à éloigner la géopolitique de ces négociations, car la transition vers une économie décarbonée est en elle-même un enjeu majeur de redistribution des rapports de pouvoir et de puissance économique entre nations, et entre grands acteurs privés. Cette reconfiguration, trop lente et chaotique, est néanmoins en route, poussée par la relance des politiques industrielles dans les grands blocs économiques.
Deuxième constat : la confiance s’est érodée brutalement entre pays du Sud et pays du Nord depuis 2020, rendant difficile tout accord sur le financement des pays du Sud, sur lequel ont achoppé les dernières COP. Les pays du Nord – dont la responsabilité historique est inscrite dans le texte de la convention-cadre des Nations unies sur le changement climatique – semblent, vus du Sud, ne tenir leurs promesses ni pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre ni pour le financement. Même si les Européens peuvent toujours démontrer, à juste titre, qu’ils font bien mieux que les Etats-Unis.
Troisième constat : ce jeu de postures figé entre Nord et Sud aboutit à réduire la négociation à un marchandage impossible. Le Nord demande au Sud de réduire ses émissions de gaz à effet de serre, alors que pour beaucoup de pays en manque d’investissements leur décollage économique reste la priorité. Et, de son côté, le Sud demande en échange des flux financiers massifs, alors que les évolutions politiques dans les pays du Nord rendent un tel effort improbable. Ce jeu de postures est un piège pour l’Union européenne, présentée comme inconséquente et cible particulière des revendications du Sud au vu de son histoire coloniale.
Une administration américaine imprévisible
Mais ce jeu est aussi le pire scénario pour la coopération internationale et pour le climat, qui a plutôt besoin de deux objets distincts de négociation. D’une part, ce sont avant tout les pays du G20, plus gros émetteurs de gaz à effet de serre, qui doivent se mettre d’accord entre eux pour réduire ces émissions. D’autre part, les pays les plus pauvres ont des besoins d’investissements massifs pour se développer et se protéger des effets du changement climatique, alors qu’ils risquent d’être mis encore plus à l’écart des flux financiers et de l’économie mondiale par la course aux politiques industrielles entre les grandes puissances économiques.
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