- Paul Pogba s’est longuement confié à Hélène Mannarino dans « Sept à Huit » ce dimanche.
- L’international français revient sur sa suspension pour dopage et la tentative d’extorsion qui a ébranlé sa famille, en particulier sa relation avec son frère, Mathias, directement impliqué.
- Il évoque également sa détermination à rejouer au football et les négociations en cours.
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Paul Pogba victime de « tentatives d’extorsion »
« Je préfère parler sur le terrain »
, nous avait glissé Paul Pogba le 7 octobre 2016, au sortir d’une victoire (4-1) des Bleus contre la Bulgarie, quand on lui avait demandé pourquoi il refusait systématiquement de répondre aux journalistes… Trois jours avant d’inscrire un but somptueux, d’une frappe de 30 mètres, ayant permis à l’équipe de France de s’imposer aux Pays-Bas (0-1), puis de nous adresser un clin d’œil malicieux après le match, toujours sans s’arrêter devant les micros. Neuf ans plus tard, le milieu de terrain s’exprime toujours aussi peu publiquement… Mais encore moins ballon au pied sur les pelouses, qu’il n’a plus foulées depuis l’été 2023. Il revient pour la première fois sur cette parenthèse agitée, ayant brutalement interrompu sa carrière, ce dimanche 22 juin, dans le portrait que lui consacre « Sept à Huit », visible dans la vidéo en tête de cet article.
Le joueur de 32 ans confie que ces épreuves l’ont rendu « un peu plus simple »
, « plus sobre »
, à commencer par la suspension de quatre ans pour dopage dont il a écopé le 29 février 2024, après avoir été contrôlé positif à la testostérone à l’issue d’un match de son club, la Juventus de Turin, auquel il n’avait même pas pris part, le 11 septembre 2023. « Ça revenait à me dire que le foot, c’était fini pour moi. Je ne comprenais rien… C’était très, très dur. Je n’étais pas prêt. La sentence, sans explication, sans qu’on m’écoute vraiment, ç’a été un choc. J’ai dû aussi quitter l’Italie parce que mes enfants allaient à l’école juste à côté du centre d’entraînement. Tous les jours, je passais devant en les accompagnant, ils me demandaient quand j’allais rejouer… Je ne pouvais plus. C’était trop dur »
, se souvient le père de famille, qui garde une certaine rancune de cet épisode.
Parce que son employeur avait alors soudainement rompu les liens, son entraîneur évoquant même publiquement son départ dès octobre 2023. « À l’époque, je demandais de l’aide, par exemple des soins ou un préparateur physique, parce que je faisais tout de même toujours partie de la Juventus. Mais je n’ai même pas eu droit à ça. Ils n’étaient pas vraiment avec moi. Et sentir ça, ça m’a mis un coup. Je ne comprenais pas, je n’étais pas en guerre avec eux »
, précise celui qui a finalement résilié son contrat avec le club turinois en novembre 2024. Entre-temps, Paul Pogba a fait appel et vu sa suspension réduite à 18 mois, le 4 octobre dernier, par le tribunal arbitral du sport, qui a reconnu que le dopage, via la prise d’un complément alimentaire prescrit par un médecin, « n’était pas intentionnel »
. Sa sanction a officiellement pris fin le 11 mars 2025.
Mais le plus grand bouleversement dans la vie du footballeur date du 19 mars 2022. Ce jour où deux hommes cagoulés (n’ayant jamais été retrouvés) l’ont séquestré et menacé avec des fusils d’assaut pour tenter de lui extorquer 13 millions d’euros. Six hommes, parmi lesquels cinq amis d’enfance et son frère Mathias, ont été condamnés à des peines de prison, le 19 décembre, pour leur implication directe dans cette affaire. « C’était triste, c’étaient des personnes que j’avais dans le cœur
, lâche-t-il à ce sujet, après un lourd silence. Je les considérais tous comme des frères. Dans le quartier, on traîne tous ensemble, on grandit ensemble… Tu ne peux pas imaginer une chose pareille. »
Ni même en parler, sur le moment.
« Mon silence, c’était pour protéger tout le monde. Ma femme s’est rendu compte que j’étais plus distant, qu’il y avait quelque chose, mais j’ai essayé de garder ça pour moi, en espérant régler le problème le plus tôt possible, pour passer à autre chose. Je me suis retrouvé à parler d’un investissement avec mon banquier et mon avocat, pour payer ce qu’on me réclamait. Après, j’ai craqué. Pendant la période de jeûne du Ramadan, j’ai demandé de l’aide à la seule personne qui pouvait m’aider : Allah. J’ai prié et là, j’ai eu un déclic. J’ai décidé de parler. Je me suis dit que, quitte à mourir, cet argent devait revenir à mes enfants, à ma famille. Je n’allais pas le jeter comme ça »
, explique-t-il. S’est-il donc vu mourir ? « Quand tu te fais braquer, que tu as les armes devant toi, tu n’as pas le temps de penser, tu dis juste oui à tout »
, répond-il, dans un sourire teinté de mélancolie.
Mathias Pogba, l’un de ses deux grands frères, condamné à trois ans de prison (dont deux avec sursis), a récemment déclaré qu’il regrettait. « Nous sommes en contact
, dit Paul le concernant. On a parlé, entre nous, avec la famille. Vous savez, le lien du sang, c’est le lien du sang. Il y a une cicatrice, bien sûr, mais on avance. Il n’y a que le temps qui pourra donner des réponses, plus tard. Aujourd’hui, tout ce qu’on souhaite, c’est que la famille reste toujours unie. C’est le plus important. C’est dur, je ne vais pas mentir. J’ai été blessé. Je suis un être humain. Ce n’est plus comme avant, mais on est en contact. »
L’ex-Turinois s’est surtout beaucoup inquiété pour sa maman, qui « n’a plus 20 ans »
et parce que « beaucoup de gens peuvent mourir de stress »
.
« Ce sont des choses qui nous font avancer, grandir. Ma mère a été très, très forte. Et nous, les enfants, on est avec elle, on la soutiendra jusqu’à sa mort »
, insiste le joueur, avant d’évoquer son papa, décédé en 2017, qui, « s’il avait été là »
, aurait pu empêcher « les choses de se passer comme ça, c’est sûr »
, affirme-t-il… « C’était le destin. Ça devait arriver. J’ai beaucoup appris pendant cette période. J’ai fait énormément de nettoyage autour de moi. Je me suis beaucoup rapproché de ma famille, de mes enfants. Le futur dira si c’était un mal pour un bien. Ces deux dernières années, j’ai pris dix ans »
, formule-t-il.
Pourtant, à 32 ans, Paul Pogba se sent tel un jeune premier, « mentalement et physiquement prêt
à tout recommencer »
, c’est-à-dire « revenir sur les terrains, faire ce qu’[il] aime le plus au monde »
, comme s’il repartait à zéro. « En fait, malgré l’âge, je suis comme un gosse. J’aime toujours jouer avec le ballon, dribbler. Je suis redevenu ce gamin que j’étais à Roissy-en-Brie, qui veut commencer sa carrière. J’y pense, je me demande comment ça va se passer, comme un jeune qui entre en centre de formation pour la première fois. Tout va dépendre de moi. »
À condition, toutefois, de trouver une nouvelle équipe, ce qui n’est pas encore le cas. Mais le milieu international reconnaît, durant cet entretien, négocier actuellement avec un club. « On est en train de parler, ouais »
, confirme-t-il, sans en dire trop, comme à son habitude. Selon plusieurs médias, il s’agit de l’AS Monaco.